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Un troisième défaut encore, c’est l’amour-propre de chacun, qui veut faire du nouveau, et nouveau veut dire le contraire de ce que vos prédécesseurs ont fait…


— Ce que les affaires iront bien dans la forêt
Quand nous aurons réussi à détrôner l’empereur Tigre…
… — Et en quoi consistera donc ce fameux changement ?
— Il se manifestera principalement dans la distribution de la justice…
Car le tigre avait l’habitude déjuger d’abord les coupables
Et de les étrangler ensuite…
Nous voulons les étrangler tout d’abord
Et les juger après…


Le volume de 1863 est plutôt le volume des Satires. Après bien des tâtonnemens, Alexandresco a découvert enfin sa véritable voie. Son nouvel état d’esprit ne lui permet plus d’écrire des élégies : il quitte Lamartine. Les changemens de son milieu ne lui permettent plus de faire des fables : il relègue La Fontaine au second plan. Mais son état d’esprit et son milieu le portent à la satire : c’est la période de Boileau. Cette période se confond avec celle de la complète émancipation du poète. L’influence de Boileau fut une influence plutôt négative. En le délivrant de Lamartine et de La Fontaine, ce maître ne se l’attacha pas à lui-même, mais comme tout véritable grand maître, il développa son élève dans le sens de sa propre nature et lui apprit à être un maître à son tour.

Dans sa première phase, Alexandresco avait voulu imiter Lamartine et, pour y réussir, il s’était efforcé de se créer, tout d’un coup, une âme toute lamartinienne. Dans une seconde phase, il était tombé sous l’influence de La Fontaine, mais il s’était contenté de s’approprier laborieusement les procédés artistiques du fabuliste. Il prit moins que cela à Boileau, pendant cette troisième phase, où les conseils de ce maître devaient agir sur son esprit comme des préceptes de l’Évangile. Il ne lui emprunta que le grand principe d’art qui recommande l’imitation docile de la nature et celui qui recommande le souci de la forme. Imiter Boileau, c’est, en effet, n’imiter personne : car, c’est prendre la vérité seule pour guide, c’est-à-dire son bon sens, et c’est être encore une fois soi-même par la forme originale que l’on emploie.


— Comète à longue chevelure, mais à l’esprit assez borné,
Pourquoi veux-tu brûler le globe que nous habitons ?