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en inspire le goût et qui, après avoir rendu service à sa patrie, guide encore les littératures naissantes de son bon sens incomparable. C’est lui qui aide à Grégoire Alexandresco à sortir de sa confusion, de son égoïsme, de ses négligences. Car, dans l’âme d’Alexandresco les deux courans de l’esprit humain se trouvaient représentés, le courant romantique avec ses ténèbres, le courant classique avec sa clarté ; le premier, avec sa confusion, le second, avec son ordre ; le premier, avec ses négligences, le second, avec son souci de l’expression ; le premier, avec son souci de l’individuel, le second avec sa recherche, presque scientifique, de ce qui est vérité universelle ; le premier avec son amour des nouveautés, le second avec son culte de la tradition ; le premier, avec son orgueil, le second avec sa modestie… Que manque-t-il encore pour compléter ce parallèle ?… le premier, avec son imagination et sa sensibilité un peu déréglée, le second avec sa sensibilité modérée et sa raison ; le premier avec son égoïsme, le second avec son amour du genre humain tout entier, — et, pour parler comme Gœthe « le romantisme avec sa maladie, le classicisme avec sa santé. »

Le quatrième recueil d’Alexandresco, Souvenirs et impressions, 1847, est l’un des meilleurs au point de vue artistique ; mais il est, au double point de vue, psychologique et français, où nous nous sommes placé, celui qui nous intéresse le moins. Le poète prend de plus en plus conscience de lui-même, et devient de plus en plus maître de sa forme. Mais sa pensée ne fait plus de progrès, et l’on ne voit plus reparaître, au cours de ce quatrième recueil, la triple influence que nous connaissons. Autre grande surprise : le recueil ne contient ni de nouvelles épîtres, ni de nouvelles satires, ni de nouvelles fables : c’est, pour ainsi dire, un volume de repos dans la carrière littéraire de notre poète. Il contient cinq odes patriotiques, un conte en vers et huit pièces d’amour.

L’auteur est surtout séduit par le mouvement de la renaissance roumaine. L’ « ère nouvelle » pressentie par lui dans son Année 1840 éblouit enfin de ses rayons tout le monde. La Révolution de 1848 n’est pas loin. On ne parle que de libertés extérieures et intérieures. On rappelle avec fierté la gloire des ancêtres : d’un Jean Bassaraba, d’un Mircea le Vieux, d’un Etienne le Grand, d’un Michel le Brave… Le poète seul restera-t-il insensible ? Il dédiera une ode à la jeune armée roumaine, en train