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Que se reproche l’auteur ? Peu de choses, à vrai dire : de n’avoir pas le vice à la mode, qui est le jeu de cartes ; de ne pas être trop « mondain ; » d’être distrait ; de trop médire… Son genre d’intelligence ne le fait guère avancer dans la vie :


— N’es-tu pas le même qui dans ton enfance
Savais débiter tout d’une haleine les exploits d’Alexandre le Grand ?
Toi qui, un peu plus tard, et te moquant des contes de jadis,
Pouvais dire par cœur des tragédies bien connues,
Mérope, Athalie et plusieurs autres encore.


Il se compare à « certain monsieur de la haute société » qui sait plaire, et dont « la parole, l’esprit, sont au fond de son chapeau… »

Les habits qu’il porte sont cousus à Paris ;
C’est lui-même qui le dit. Le lorgnon qui pend à son gilet
Est d’une origine encore plus étrangère.


Cette première satire d’Alexandresco nous renseigne ainsi sur les bons et les mauvais effets de l’influence française naissante en Roumanie : les bons, sur des esprits comme le sien ; les mauvais, sur des esprits médiocres, qui ne rapportaient de France que quelques défauts ou quelques manières extérieures inutiles.

Les deux épîtres adressées Au commandant Voïnesco et Au fabuliste moldave Donici, amis du poète, nous font connaître les difficultés de la vie d’un homme de lettres en Valachie, à cette époque. A quoi servent les lettres ? Non certes à améliorer la situation matérielle du poète, puisqu’elles ne lui rapportent même pas de quoi payer ses dettes. Elles ne servent pas non plus à l’amélioration morale de l’humanité ; le monde va son train, que l’histoire constate, que l’art littéraire ne dirige point ; le public ne lit guère, et, quand il lit, il ne comprend pas, et quand il comprend, les changemens que la lecture produit en lui sont de courte durée :


Depuis que le monde existe, quel livre humain
A jamais pu empêcher les mortels de commettre des méfaits ?
L’homme suit son chemin et fait ce qu’il est habitué à faire.


L’Épître à Voltaire est l’une des productions les plus curieuses d’Alexandresco. L’auteur de la Hache et la Forêt a l’idée d’écrire une lettre de plus de cent vers à l’auteur de Mérope. Que