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prise sur lui désormais. Pourvu seulement qu’il voie les autres heureux autour de lui, c’est tout ce qu’il demande !


Je ne te demande rien pour moi, ô nouvelle année !…
Si moi seul je dois rester oublié par toi, dans la distribution de tes biens,
Eh bien, je foulerai ma douleur aux pieds et je la mépriserai…


Le jour où Alexandresco a envisagé pour la première fois la vie sous cet aspect, sa pensée et son talent sont certainement entrés dans une nouvelle phase.


Quatorze fables ! Voilà ce qui forme la véritable substance et la partie la plus considérable du recueil de 1842. — Un chien qui se vante d’aimer l’égalité, mais qui ne l’aime point chez de moindres chiens ; — un renard libéral, dans l’opposition, et réactionnaire dès qu’il devient premier ministre ; — un épervier qui promet son amitié à des poules tant qu’il est attaché et qui devient leur pire ennemi, dès qu’il se voit libre ; — un loup qui fait la morale aux autres bêtes ; — un derviche qui se fait couper la barbe et jette son froc aux orties pour plaire à une jeune fille, — tels sont quelques-uns des sujets des nouvelles fables d’Alexandresco.

Il n’oublie aucun des procédés de l’art de La Fontaine qu’il s’était appropriés dans ses précédens recueils et tâche de faire de nouveaux progrès ; il sait maintenant caractériser d’une seule épithète toute une classe d’animaux : « les cerfs aux longues cornes, » « les ours aux courtes queues… » « le buffle au large poitrail ;… » il sait couper court au récit par son intervention, quand il lui semble que la description ou l’action du morceau languissent un peu :


Je vous ai déjà raconté ailleurs, ce me semble — à moins que vous ne l’ayez déjà oublié —

Par quelle suite de circonstances, le loup était devenu jadis Empereur…


Le dialogue aussi a gagné en vivacité, en naturel. L’auteur sait maintenant disposer un ensemble ; il a trouvé le secret de cette forme à la fois précise et fuyante qui est une invention de son maître, et qui nous fait vivre, par une série d’images parallèles, à la frontière des deux règnes : animal et humain.

Mais de tous les moyens, qu’il réussit à s’approprier, l’un est