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Lamartine, qu’elle chassera de l’esprit du poète : elle va l’aider à dégager de plus en plus sa personnalité lyrique.

On veut dire que les trois notions de Nature, de Dieu et d’Amour, qui se trouvent constamment associées chez Lamartine, se trouvent de plus en plus séparées, chez notre poète, et même les deux premières ont presque entièrement disparu de ce troisième recueil. C’est à peine si la nature revient dans un morceau que l’auteur place en dehors de ses compositions régulières et qu’il écrit, on le voit, comme par acquit de conscience, pour faire plaisir à un ami : la Vie champêtre ; et à peine si le sentiment religieux fait son apparition une seule fois, en un seul vers très froid, où l’auteur affirme qu’il y a eu des momens dans sa vie :


Où il a douté même des bontés de la Providence…


Il n’en doute donc plus ! mais il avait vraiment besoin de nous le dire, car on serait tenté de croire le contraire, tant la Providence évite de paraître dans ce volume. La note amoureuse est la seule qui y règne. Après avoir réduit à elle Nature et Divinité, elle les supprime presque de lame du poète ; elle envahit entièrement cette âme. Et voici une première différence radicale entre la façon d’aimer de Lamartine et celle de son disciple valaque.

Il y en a une seconde : c’est que nous sommes très loin, avec Grégoire Alexandresco, de la façon calme, pure et majestueuse d’aimer du poète français. Ce qu’Alexandresco entend désormais par l’amour, c’est la nature, c’est l’ensemble des instincts physiques et matériels, qui lui paraissent néanmoins assez poétiques. Il dira à son Émilie, dans Pourquoi je soupire, qu’il soupire pour sa beauté, « car elle est jolie comme un rêve d’amour ; » et il lui dira dans l’Amitié et l’Amour :


Jouissons de la nature !
Lorsque, le visage rempli de tristesse,
Les grâces se retireront de toi…
Nous appellerons alors, si tu veux, notre amour d’aujourd’hui
Une véritable folie…
Je serai ton ami, ton frère…
Et du monde, et de tout ce qui existe,
Ensemble nous nous retirerons…


Enfin, il y a cette autre différence entre l’amour de