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courtois à l’entente des deux intéressés et, s’il était nécessaire, à sa propre médiation. Mais il ne doutait pas un instant que ces pourparlers amiables n’eussent pour base l’annexion de la Thessalie et de l’Epire, et pour unique objet de spécifier les détails de la délimitation. Je dois dire, ayant suivi de près toute cette affaire et constaté le sentiment de tous les plénipotentiaires, qu’ils considéraient avoir pris à cet égard une décision souveraine : sans doute les termes de l’article 24 du traité, trop concis et trop vagues, ont donné lieu plus tard à de fâcheux conflits qu’un peu plus de précision eût prévenus[1] ; mais la volonté des Puissances n’en était pas moins péremptoire et sincère, et personne n’avait entendu la subordonner à des interprétations et à des négociations incertaines : elles l’ont d’ailleurs affirmée de nouveau lors de la médiation de 1880, et si elles ont fini par laisser à la Turquie la province d’Epire dont les droits étaient identiques à ceux de la Thessalie, il est indéniable que le Congrès s’était moralement prononcé pour l’une comme pour l’autre, et qu’en ajournant quelque peu le dénouement pour qu’il fût moins pénible à la Porte, il ne supposait pas que l’annexion elle-même pût être remise en cause, et que des subtilités de controverse suggérées par des convenances politiques et aussi par une décroissance de plus en plus sensible des sympathies européennes pour la Grèce, feraient regarder comme un simple vœu la résolution qu’il avait adoptée. Il se faisait illusion assurément ; mais, sans nous exagérer la valeur qu’il attribuait lui-même à sa rédaction, nous ne saurions méconnaître que celle-ci, sous une forme un peu enchevêtrée, était, dans sa pensée et dans l’opinion générale, aussi ferme que toutes les autres clauses. La conclusion de l’affaire grecque à Berlin, étant donné le système de demi-mesures que, pour tant de raisons majeures, le Congrès appliquait là comme partout, se trouvait donc, en somme, avoir étendu et fortifié le domaine des nationalités indépendantes.


VI

Les territoires en litige dans la Péninsule des Balkans ayant été ainsi les uns répartis entre les diverses principautés slaves, l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Grèce, les autres restitués à

  1. J’ai exposé les difficultés subséquentes auxquelles ce texte a donné lieu dans la Revue du 15 août 1900 et du 15 mars 1901.