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langues ; les traités nouveaux seraient livrés à leurs commentaires ; les grands intérêts de la science y seraient discutés. On y puiserait les projets les plus sages… »

Longtemps avant le général Bardin, les hommes de guerre, qui avaient écrit sur l’art militaire, Feuquières, Folard, Puységur, le maréchal de Saxe… avaient bien insisté sur la nécessité de joindre l’étude à la pratique de la guerre.

Dans le chapitre de ses Mémoires : Du soin du prince à former ses généraux, le lieutenant général marquis de Feuquières, que Frédéric il appelait l’Aristarque des officiers généraux, avait donné de sages conseils :

« De quelque prévoyance que le prince puisse être dans son cabinet, et quelque bien médités que puissent être ses projets, soit pour une guerre qu’il voudra entreprendre, soit pour la réussite d’un dessein particulier au cours d’une guerre, si le général qu’il en chargera n’a tous les talens convenables, il est presque assuré que rien ne réussira. »

Et Feuquières recommandait au prince d’examiner lui-même les officiers susceptibles d’exercer plus tard le commandement ; de leur donner des emplois qui leur permissent de montrer leurs capacités et de se préparer à un plus grand rôle ; « et de les élever de bonne heure, en évitant de s’en rapporter au choix de ses ministres qui peuvent être dominés par le souci de leurs intérêts particuliers, et, — ajoute Feuquières dans un mouvement d’aigreur qui, espérons-le, ne se rapporte plus à notre temps, — de l’intérêt de leurs maîtresses… »

Plus près de nous, l’archiduc Charles d’Autriche, l’adversaire le plus sérieux de Napoléon, avait bien écrit, lui aussi, « qu’on ne devient grand capitaine qu’avec une longue expérience et la passion de l’étude. Il ne suffit pas de ce qu’on a vu soi-même… »

Mais, dans l’armée française, on s’occupait peu de ces donneurs de conseils. Que pouvait-on apprendre à l’armée qui avait créé la tactique des tirailleurs, dont l’attaque à la baïonnette était irrésistible, qui avait tenu tête à toute l’Europe, qui avait promené ses drapeaux victorieux dans toutes les capitales ! Etait-ce par l’étude, par l’instruction péniblement acquise, que ces glorieux résultats avaient été obtenus ! N’étaient-ils pas la preuve manifeste qu’à la guerre tout dépend de la valeur des troupes, du coup d’œil, de l’inspiration des chefs, et que la