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de les mettre à exécution. Et pour cela, il faut nécessairement qu’à tous les degrés de la hiérarchie on parle la même langue, on soit habitué à apprécier les mêmes circonstances de la même façon, on attache la même importance à certaines règles, à certaines prescriptions essentielles.

Il faut, en un mot, qu’il y ait, du haut en bas de l’armée, unité de doctrine ; que les hautes études de la guerre y soient répandues à profusion.

A quoi serviraient les efforts d’une nation pour perfectionner son armée ? A quoi serviraient l’instruction, l’entraînement, la vaillance, le dévouement des troupes, si ceux qui sont chargés de les diriger contre l’ennemi étaient insuffisamment préparés, ou s’ils ne s’entendaient pas ?

Il s’agit là de l’utilisation des forces d’un pays. C’est là une question d’une gravité exceptionnelle. Nous allons chercher à l’étudier, en examinant d’abord comment elle est résolue dans l’armée prussienne et dans d’autres grandes armées ; puis en voyant si les efforts faits en France à cet égard sont suffisans, et répondent bien aux sacrifices que la nation a consentis si généreusement pour son armée.


LES ARMÉES ÉTRANGÈRES
I

Après Iéna et l’écrasement de 1806, la Prusse paraissait anéantie. Par ordre du vainqueur, son armée devait être réduite à l’effectif de 42 000 hommes.

Un organisateur d’élite, doublé d’un grand patriote, le général de Scharnhorst réussit à tourner cette clause du traité de Tilsitt. D’accord avec un autre grand ministre, Stein, il fit adopter le principe vivifiant de la nation armée, le système des réserves venant en cas de guerre s’ajouter aux troupes présentes sous les armes ; il contribua à surexciter l’esprit de l’armée et de la nation pour la défense et le relèvement de la patrie. Et bientôt, grâce à ces deux hommes éminens, la Prusse disposa d’un nombre respectable, grossissant d’année en année, de combattans insuffisamment entraînés peut-être, peu instruits, mais bien encadrés et animés du désir de venger la patrie.

Cela n’aurait pas suffi. Iéna n’avait que trop montré la