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Ainsi la très petite et la petite propriété représentent environ 90 pour 100 des cotes, et un peu plus du quart du territoire ; la moyenne propriété, à peu près 10 pour 100 des cotes, prend plus du tiers ; la grande et la très grande propriété, 0, 86 pour 100 du nombre des cotes, comprennent le tiers du territoire, un peu plus même : 35, 27 p. 100.

Grâce à la Statistique décennale agricole de 1892, et à ces monographies rurales dont on ne saurait trop encourager la publication, nous possédons des chiffres plus récens : il en ressort que la petite propriété, même réduite à quelques ares, n’est pas toujours une poussière de propriété et, qu’à l’inverse, la grande propriété ne correspond pas forcément à de riches patrimoines immobiliers.

Les petites et les très petites propriétés sont représentées tout d’abord par l’emplacement des maisons : à la campagne, la plupart des maisons ont pour habitans leurs propriétaires ; sur cent maisons, la Savoie et la Haute-Savoie en ont 80 d’occupées par leurs propriétaires ; l’Ariège 81 pour 100 ; le Lot, 82, le Puy-de-Dôme, 83, les Hautes-Pyrénées, 84. Il s’est rencontré 2 270 communes où l’on n’a pu découvrir une seule propriété imposable qui fût louée. Dans une commune d’un canton de l’Oise, sur 110 chefs de ménage, 96 sont propriétaires de leur maison, 14 seulement en sont locataires : parmi ceux-ci, le curé, l’instituteur, et le seul grand cultivateur de la localité ; ce dernier se félicite vivement de cet état social, car il fait de ses ouvriers agricoles une population sédentaire et aisée, vivant chez elle, et possédant, outre sa maison, quelques lopins de terre. Notons encore que, dans beaucoup de départemens, un cultivateur est souvent propriétaire et fermier ; que, dans les pays de vignobles ou de culture maraîchère, quelques hectares représentent une fortune. A Dourlers (Nord) on rencontre des ouvriers agricoles, appartenant aux petites industries locales, qui possèdent une maison avec quelques ares de jardin ; ils sont 155 et ont ensemble 46 hectares 50 ares. Et ces jardinets dans la banlieue des villes, parfois ornés d’une masure, d’un chalet, d’une bicoque, a-t-on mesuré quelle somme de rêves, de jouissances, quelle valeur ils représentent pour leurs possesseurs ? Tout cela est-il un haillon de propriété, comme l’affirment les abstracteurs de quintessence socialiste ?

Quels sont maintenant ces grands biens qui forment 35 pour 100 de notre territoire ? Les communes, à elles seules,