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cuisinière qui a mis trente ans à économiser de quoi acheter trois ou quatre obligations de chemin de fer ?

La seconde classe inutile est composée de ceux que M. Wells nomme « les gens de l’abîme. » Elle comprend, avec l’écume des grandes cités, les races inférieures et reconnues inéducables. On doit y ajouter encore tous les êtres qui viennent au monde avec une tare, une infirmité, une maladie héréditaire. Il faut se débarrasser de tous ces parasites qui prennent la place et mangent le pain des autres, éliminer ces individus pourris qui détériorent l’espèce. Mais par quels moyens ? Les empêcher de naître est difficile, sinon impossible. Il faut, du moins, les empêcher de se reproduire, les aider à disparaître. Ne pourrait-on, — il s’agit ici des riches aussi bien que des pauvres, — les encourager au vice qui leur procurerait un genre de mort conforme à leurs tendances naturelles ? M. Wells indique ici le catholicisme comme pouvant fournir une sorte d’Euthanasie spirituelle pour les raffinés puisque cette religion prône le célibat et prêche le mépris de la vie. Dans l’immense majorité des cas, les villes de plaisir suffiraient à la besogne destructive que M. Wells leur assigne. C’est là que l’humanité inutile, les refusés de la sélection iraient s’éteindre dans les voluptés.

Quant aux deux classes qui travaillent l’une avec son cerveau, et l’autre avec ses bras, M. Wells est persuadé que la seconde s’élimine en quelque sorte d’elle-même et tend, par une ascension graduelle et continue, à se confondre dans les rangs, chaque jour grossis, de la première. L’introduction du machinisme a ouvert une ère nouvelle dans l’histoire humaine ; mais nous ne sommes encore qu’au début de cette période. Quand elle aura donné tous les résultats qu’elle comporte et auxquels on est en droit de s’attendre, le mécanicien aura remplacé le manouvrier, car tout le travail manuel sera désormais accompli par des machines.

C’est à ce mécanicien de l’avenir, à cet ouvrier parvenu et anobli par le progrès scientifique que vont toutes les sympathies de l’écrivain. Il nous décrit son foyer, sa famille, son genre de vie, préside à l’éducation de ses enfans dans les plus minutieux détails. Je n’accompagnerai pas l’auteur dans la nursery, ni dans le schoolroom de l’avenir. Je n’insisterai pas davantage sur le curieux chapitre qu’il consacre aux guerres futures et aux grands changemens que l’introduction des machines volantes