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ce n’était point select, ni classy : on y voyait au premier plan des êtres à la fois vulgaires et impossibles, qui parlaient des choses les plus étranges dans le jargon de la lower middle class et promenaient des rêves monstrueux sur le trottoir de Tottenham Court Road. Ni ceux qui se plaisent aux exquises et subtiles divagations de George Meredith, ni ceux qui préfèrent la grave et délicate analyse de Mrs Humphry Ward n’acceptaient ces tragiques pantins dont la logique était la terrible logique du monomane. En eux pas un grain d’esthétisme ; pas une trace de Ruskin : rien que des énigmes effrayantes surgissant tout à coup de ce que la vie a de plus banal. Quelque chose d’analogue à la sensation que vous éprouveriez si vous voyiez un sphinx descendre d’omnibus devant Mansion-House.

En outre, c’étaient des romans scientifiques. Or, les hommes de science dédaignent les romans scientifiques comme les historiens dédaignent les romans historiques et par des raisons à peu près identiques. C’est pourquoi les livres de M. Wells allèrent d’abord aux enfans. Beaucoup s’en amusèrent, mais très peu, j’imagine, en comprirent le sens.

Les années se sont succédé, apportant au public de nouvelles productions de l’infatigable écrivain. La collection des œuvres de M. Wells se monte aujourd’hui à une vingtaine de volumes. Quatre d’entre eux, The stolen Bacillus, The Plattner Story, Tales of space and time, Twelve stories and a Dream contiennent des nouvelles plus ou moins longues. Un autre (Certain personal Matters) réunit des articles fantaisistes donnés d’abord à différens recueils. Trois ouvrages dont il sera parlé plus loin composent une série à part, l’apport de M. Wells à la science sociale de l’avenir. Parmi les autres livres qui portent son nom, deux forment un groupe particulier : Love and Mr Lewisham et The wheels of Chance. J’ai déjà indiqué la valeur du premier. Le second, de l’aveu des plus fervens admirateurs de M. Wells, manque d’originalité et d’intérêt. Je le laisse de côté. The Sea Lady et The Wonderful Visit nous offrent un autre groupe. Le surnaturel s’y étale franchement sans aucune tentative d’explication scientifique. Restent The Time Machine, The War of the Worlds, The First men in the moon, The Invisible man, When the Sleeper wakes, The Island of Dr Moreau[1]. Ces romans, ainsi que

  1. Il faut encore ajouter ici les Select conversations with an uncle et The Food of the Gods, non encore réimprimé en volume au moment où j’écris cet article.