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Bourbons. S’étant, avec Louis XIV, établis à Versailles pour y fuir le retour des émeutes de la Ligue et de la Fronde, ils y laissèrent, en quelque sorte, le reflet de tous leurs actes pendant une période qui vit leur apogée, leur décadence, leur abaissement, leur ruine. Ce sont ces annales, véritables éphémérides françaises, partout inscrites à Versailles, qui, encore une fois, font et feront toujours l’intérêt et l’attrait de ces lieux, si intimement liés à notre histoire, qu’on retrouve, si l’on peut ainsi parler, celle-ci vivante jusque dans leur mort.

Quatre ans ne s’étaient pas écoulés depuis que la royauté avait quitté Versailles, emportée par le flot populaire, que, réfugié dans une petite maison, en haut de la rue Satory, un poète, fuyant « les bourreaux barbouilleurs de lois, » qui bientôt allaient le ressaisir et l’envoyer à l’échafaud, adressait à la ville déchue ces strophes célèbres :

Ô Versaille, ô bois, ô portiques,
Marbres vivans, berceaux antiques,
Par les dieux et les rois Élysée embelli,
À ton aspect, dans ma pensée,
Comme par l’herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d’oubli !

Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles,
Tout a fui ! Des grandeurs tu n’es plus le séjour,
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts, et l’étude
Composent aujourd’hui ta cour…

En ces vers admirables, André Chénier n’avait pas seulement évoqué le souvenir du Versailles royal à jamais éteint ; il avait entrevu le rôle, la raison d’être du Versailles futur. Il nous reste à dire ce que devint celui-ci après 1789, ce qu’on en fît, ce qu’il pourrait être.


ALPHONSE BERTRAND.