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Les appartemens de Louis XIV, la salle du nouvel opéra, qui ne semblait réservé qu’à des fêtes et qui devait servir de scène au prélude et à l’épilogue de ces drames qui furent la Révolution de 1789 et la guerre de 1870, l’Orangerie, les jardins, tout ce décor magnifique reprit soudain son importance ; et, devant Versailles, que Paris envahissait déjà, Trianon disparut.

Le 15 août 1785, jour de l’Assomption, Louis XVI manda dans le cabinet, où depuis un siècle avaient été prises toutes les résolutions qui avaient décidé du sort de la nation, le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, déjà revêtu de ses habits pontificaux. La Reine, pâle et troublée, attendait, elle aussi, le prélat. Louis XVI dit au cardinal : « Vous avez acheté des diamans au joaillier Bœhmer ? — Oui, sire. — Qu’en avez-vous fait ? — Je croyais qu’ils avaient été remis à la Reine. » Ainsi s’engageait, par ce dialogue et par l’arrestation du cardinal de Rohan, dans la galerie des glaces, au sortir du cabinet du Roi, la terrible affaire du Collier, cette « catastrophe, » ainsi que la qualifiait dès lors, avec une sorte de prescience, dans une lettre à son frère Joseph II, la malheureuse femme qui, moins d’un an plus tard, au lendemain de l’arrêt du Parlement, du 31 mai 1786, déchargeant le cardinal de l’accusation contre lui intentée, écrivait ces lignes aussi émouvantes, peut-être, que devaient l’être les pires épreuves de la prison du Temple ou du tribunal révolutionnaire : « Venez pleurer avec moi, ma chère Polignac… Le jugement qui vient d’être prononcé est une insulte affreuse. Je suis baignée dans mes larmes de douleur et de désespoir. »

Désormais la Révolution tenait Versailles ; elle ne le quittera plus qu’avec la royauté, après que Marie-Antoinette, presque en même temps qu’elle eût vu son ennemi, le duc d’Orléans — le futur Egalité — salué des bravos de la foule, eut appris à connaître ce terrible silence que Mirabeau devait appeler « la leçon des rois. »

Il n’est guère de partie du château, et de Versailles même, qui ne reçut alors l’impérissable empreinte de quelque grand souvenir. En 1785, les notables s’assemblent une première fois aux Menus plaisirs, où bientôt siégera l’Assemblée nationale ; en 1787, dans la grande salle des gardes. Le 2 mai 1789, c’est dans le salon d’Hercule que les députés des trois ordres, venus de tous les points de la France, sont présentés à Louis XVI. Puis, c’est la