Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/569

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des appartemens, changeant leur affectation, remaniant leurs intérieurs, démolissant ici, reconstruisant là, dépensant toujours.

En 1738, presque au moment de la naissance de Madame Louise, surnommée par le public Madame Septième et par son père, dit-on, Madame Dernière, Louis XV prélude à ce remue-ménage qui1, — les Comptes des bâtimens en font foi, — va durer jusqu’à la fin de son règne, en abandonnant la chambre de Louis XIV, qu’il trouve froide et incommode. La force de l’étiquette, néanmoins, est telle qu’alors même qu’il cesse d’y coucher, c’est toujours dans « cette chambre parée, » dans cette « grande chambre, » que le monarque se rend, au sortir du lit, pour subir le cérémonial du lever, l’un des rites invariables de la vie royale.

Si Louis XV n’osa pas détruire les grands appartemens de Louis XIV, il n’hésita pas à les restreindre, à les mutiler. Il y supprima, tout d’abord, l’admirable accès de l’escalier des ambassadeurs sur lequel s’ouvrait la galerie, dite petite galerie, où Mignard, en peignant Minerve et Apollon, ou plutôt Louis le Grand distribuant des récompenses aux sciences et aux arts, s’était efforcé d’éclipser Lebrun. Louis XV fit démolir escalier et galerie. Peu lui importa que cette superbe entrée eût un rôle essentiel dans la résidence royale dont elle précisait le caractère, en montrant, dès le seuil des salons qu’ils allaient parcourir, aux envoyés des nations étrangères,


… les quatre parties du monde
Dans l’admiration profonde
Des hauts faits de Louis,


représenté, nous dit Monicart dans Versailles immortalisé, « du Batave punissant l’arrogance, » exécutant « du Rhin le glorieux passage, » ou bien encore « recevant de ses nouveaux sujets de Franche-Comté la clé de leurs villes conquises. » Négligeant ces souvenirs et préférant complaire à d’autres divinités que les Sciences et les Muses qui, d’après l’historiographe royal, avaient décoré ce majestueux atrium, « non pas comme pour une fête ordinaire, mais comme pour un jour de triomphe, » l’arrière-petit-fils de Louis XIV, après avoir tout d’abord souffert qu’on fît de l’escalier des ambassadeurs un dépôt de matériaux, n’hésita point à le laisser défigurer par l’installation d’un théâtre où voulait jouer Mme de Pompadour, puis à en hâter la