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du Roi, dont la publication fait honneur à M. Jules Guiffrey, fournissent d’innombrables renseignemens. M. de Nolhac les a fort bien mis en lumière dans son livre sur la Création de Versailles et dans ses autres ouvrages consacrés à la ville de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI. Il y a complété, précisé, rectifié les recherches de ses devanciers, J. A. Le Roi, Eudore Soulié, Dussieux, Desjardins, Vatel, Remilly, Délerot, Taphanel, et de tous ceux qui, en des temps et à des degrés divers, avaient déjà contribué à renouveler cette histoire, dont récemment aussi, le puissant intérêt artistique a été rappelé par l’architecte actuel du château, M. Marcel Lambert, dans une suite de gravures et de dessins, où Versailles reparaît, avec toute son ancienne splendeur[1].

C’est dans les chiffres de ces Comptes des bâtimens et aussi dans la correspondance de Colbert que revit, avec le plus d’intensité, la physionomie de l’œuvre accomplie. Colbert sentait si bien de quelle importance, pour la majesté de l’ensemble, est la perfection des détails, « qu’il ne trouvait pas que ce fût trop du plus grand peintre de son temps pour dessiner une serrure ou un bouton de porte. » La belle série des esquisses de Lebrun, ce prodigieux décorateur, montre que ce n’est point là une exagération[2]. Pour orner les maisons du Roi, surtout Versailles, Colbert fit venir d’Allemagne, de Flandre, d’Italie, les artistes et les artisans les plus réputés. Au directeur de l’Académie de France à Rome, qu’il avait fondée, il prescrit, à tout moment, de rechercher avec soin « tout ce qu’il pourra trouver de plus beau en bustes, figures, bas-reliefs et autres ouvrages de l’ancienne Rome, » et par lui Versailles en fut peuplé. Aux intendans, aux ambassadeurs, aux consuls, aux voyageurs, il donne sans cesse des ordres semblables. Au directeur de la Compagnie des Indes occidentales, pour ne citer que cet exemple, il écrit : « Estant bien aise d’avoir tout ce qui peut se trouver de curieux dans les isles d’Amérique, tant en fleurs, fruits, plantes, qu’en coquilles qui peuvent servir à l’ornement et à la décoration des maisons royales, pour les présenter au Roi, il sera nécessaire

  1. MM. Lambert et Philippe Gille, Versailles et les Deux Trianons, 2 vol. in-folio, Marne, 1899-1900.
  2. Les marbres eux-mêmes avaient une hiérarchie : « L’on a observé, dit Félibien, d’employer les plus rares et les plus précieux dans les lieux les plus proches de la personne du Roi. »