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la rocaille ; charpentier, serrurier et menuisier, de même. »

Malgré ce zèle infatigable, Colbert et plus tard Louvois, qui lui succéda à la surintendance des bâtimens, réussissaient à peine à contenter les exigences d’un maître qui voulait que tout fût mené de front : constructions, jardins, statues, ameublement, tapisseries, argenterie, vases, lustres et tout le reste, sans parler de l’immense domaine qui, surtout en vue de la chasse, « le premier des plaisirs du Roi, » fut créé à grands frais autour de Versailles : le petit parc, qui comprenait une étendue de 1 738 hectares, et le grand parc, lui aussi entièrement entouré de murs, qui n’en comptait pas moins de 6 614 et près de 44 kilomètres de routes. Ni le temps, ni l’argent, ni la main-d’œuvre, ni les résistances de la nature ne semblaient des obstacles. Dès que le maître avait parlé, aucun effort, de quelque genre qu’il fût, ne devait être impossible.

Ce fut bien autre chose lorsque, en 1674, eurent commencé les grands travaux destinés à faire de Versailles la résidence officielle du Roi. Cette période d’activité architecturale et artistique est presque inimaginable[1]. Dans le plan anonyme qu’on désigne sous le nom de « plan de la chalcographie » et qui, d’après les plus récentes recherches, date de 1684, Versailles se présente déjà avec sa physionomie définitive. A peine reste-t-il à y terminer quelques détails, mais l’ensemble est complet, avec les deux immenses ailes du château, les grands pavillons de la cour d’honneur, le parc et ses étonnans travaux hydrauliques, les larges avenues, les principales places, les écuries, le Grand Commun, les nombreux hôtels affectés soit aux services de la Cour soit aux résidences des ministres et grands officiers, l’église Notre-Dame, que Mansart, conformément au désir du Roi, acheva en moins de deux ans.

C’est à cette promptitude à exécuter les ordres souverains que Jules Hardouin Mansart, qui imprima à Versailles son caractère définitif, dut la faveur de Louis XIV. A l’âge de vingt-huit ans, le jeune architecte avait donné la mesure de son activité, de son talent, dans la construction du château de Clagny, bâti « pour Messeigneurs les enfans naturels du Roi[2]. »

  1. A toute heure, au sujet des moindres détails de ces travaux, Louis XIV écrivait à ses ministres. Il y a, dans la Correspondance de Colberl, des lettres du Roi, datées de 11 heures du soir, écrites entièrement de la main de Louis XIV. Il voulait être consulté sur tout.
  2. Tel est l’intitulé du chapitre ouvert, en 1674, dans les comptes des bâtimens pour la construction du château de Clagny.