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repose des fatigues de sa course quotidienne, soit qu’enfin, à l’extrémité de l’Allée royale, Phébus, sortant de l’onde, dissipe les ténèbres de la nuit[1].

Pour la France, toute pleine du légitime orgueil qu’excitaient en elle les résultats des traités de Westphalie, et des Pyrénées, cette triomphale apparition d’Apollon annonçait l’heure, qu’elle espérait prochaine, où l’univers « à son trône soumis », verrait son Roi réunir sous un même sceptre


Ce qu’eurent de grandeur et la France et l’Espagne,
Les droits de Charles-Quint et ceux de Charlemagne.


Près de quarante ans devaient s’écouler avant l’événement prédit dans ces vers adressés à la reine Marie-Thérèse. C’était là le secret du lendemain ; le présent, c’était l’incomparable splendeur de ces festins, de ces jeux renouvelés de la chevalerie, de ces feux d’artifice, de tous ces spectacles et de leurs galantes ou politiques allusions. Non loin des deux reines on apercevait la jeune « divinité, » comme on disait alors, à laquelle le roi prenait à cœur « de faire admirer son adresse et sa grâce. » Par une sorte de désignation tacite ou de hasard heureux, c’était le marquis de La Vallière qui remportait le prix du tournoi. Sur la garde de l’épée d’or, enrichie de diamans, que lui remettait la Reine mère, était gravé ce quatrain d’une discrétion douteuse :


Quelques beaux sentimens que la gloire nous donne,
Quand on est amoureux au souverain degré,
Mourir entre les bras d’une belle personne
Est de toutes les morts la plus douce à mon gré[2].


À ce souhait Louis n’était certainement pas plus insensible qu’aux piquans propos prêtés par Molière aux confidentes de la princesse d’Elide déclarant, sans ambages, « qu’il est certaines faiblesses qui ne sont pas honteuses et qu’il est beau même d’avoir dans les plus hauts degrés de la gloire ; » et terminant ainsi leurs pressantes exhortations : « Prenez garde, madame, l’amour sait se venger des faiblesses des hommes. »

Si nous rappelons quelques traits de ces fêtes fameuses, c’est

  1. Cet ensemble devait être complété par un pavillon d’Apollon, dont le plan existe encore et qui devait s’élever, en hémicycle, à l’extrémité de la pièce d’eau des Suisses, où est la statue de Louis XIV par le cavalier Bernin.
  2. Les Plaisirs de l’Ile enchantée, Paris, Imprimerie royale, 1673.