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On aura une idée de la magnificence du spectacle et des costumes, brodés d’or, de diamans et de pierreries, qui étaient ceux de ces nobles acteurs, en parcourant les gravures d’Israël Silvestre et la suite des superbes gouaches[1] consacrées au premier carrousel que donna Louis XIV, en 1662, à Paris et dont celui de 1664, à Versailles, fut la reproduction amplifiée. Le Roi, qui figurait Roger, « montait un des plus beaux chevaux du monde, dont le harnais, couleur de feu, éclatait d’or, d’argent et de pierreries. Sa Majesté était armée à la façon des Grecs, comme tous ceux de sa quadrille et portait une cuirasse de lames d’argent, couverte d’une riche broderie et de diamans. Son port et toute son action étaient dignes de son rang : son casque avait une grâce incomparable et jamais un air plus libre, ni plus guerrier, ne mit un mortel au-dessus des autres hommes. » Sur l’écu que tenait à sa suite son page, d’Artagnan, l’on pouvait lire, au-dessous d’un soleil, scintillant de pierreries, non pas encore la devise « Nec pluribus impar, » mais celle-ci, qui n’était pas moins fière : Nec cesso, nec erro ; et que le président Périgny, en son commentaire rimé, traduisait ainsi :


Ce n’est pas sans raison que la Terre et les Cieux
Ont tant d’étonnement pour un objet si rare,
Qui, dans son cours pénible autant que glorieux,
Jamais ne se repose et jamais ne s’égare.


Dans ces féeriques spectacles on vit un curieux mélange de princes, de grands seigneurs, de gens de théâtre, Molière en tête, représenter les dieux de l’Olympe, les héros de la Grèce et de Rome, les siècles, les saisons, les signes du zodiaque, les diverses parties du monde, qu’aidaient à figurer des éléphans et autres animaux exotiques empruntés à la naissante ménagerie de Versailles. Mais les uns et les autres n’étaient guère que des comparses ayant pour tout rôle d’annoncer et d’entourer le char d’Apollon, que l’on vit, au milieu de ces fêtes, s’avancer « tout sculpté et éclatant d’or. » Symbole ou image de Louis XIV, Apollon ne devait plus quitter Versailles. En tous lieux, il n’a cessé d’y régner, soit que de la terrasse de l’immense château il domine la vaste perspective de ses jardins, soit que, dans la grotte de Téthys, au milieu des nymphes empressées et amies, il se

  1. Elle fait partie de la bibliothèque de Versailles, si riche en documens précieux sur l’histoire du château et de la ville.