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pays, résultat par lui-même très appréciable lorsqu’on se rappelle les incidens d’il y a deux mois. Les partis avancés se vantaient d’avoir gagné beaucoup de terrain : on a pu voir au contraire qu’ils en avaient perdu. Il serait pourtant excessif de dire qu’ils en ont perdu beaucoup. Les socialistes surtout, s’ils ont été battus dans les grandes villes, à Turin, à Milan, se sont rattrapés dans les campagnes. Les républicains ont été plus éprouvés. Après les ballottages, les situations respectives ne seront pas numériquement très modifiées. Mais enfin, le socialisme et le républicanisme ne sont pas en progrès, comme ils le croyaient et le disaient. M. Giolitti conserve une majorité accrue, et surtout plus disciplinée et plus confiante. Nous ne savons pas encore très exactement quel a été le rôle des catholiques dans ces élections ; mais tout le monde convient qu’ils en ont joué un, quoique le nombre des électeurs qui ont pris part au vote n’ait pas été sensiblement augmenté. Il faut bien que les catholiques soient quelque peu sortis de leur abstention, puisque deux d’entre eux ont été élus. Le Pape a maintenu le non expedit, c’est-à-dire l’interdiction de prendre part au scrutin ; toutefois, on a eu l’impression que sa volonté, sur ce point, n’était pas aussi ferme que celle de son prédécesseur, et les catholiques ont commencé à s’en émanciper. N’ayant pas reçu de mot d’ordre, chacun a voté suivant son inspiration : c’est peut-être un des motifs pour lesquels leur intervention n’a pas eu un résultat très appréciable. L’autre motif, et le plus important, est que l’abstention est restée le fait général. Au total, ces élections, sans être un triomphe, sont un succès pour M. Giolitti : et le voilà sans doute maître de la situation pour quelque temps.

Une autre élection, que nous nous bornerons à signaler, est celle de M. Roosevelt à la présidence des États-Unis. Elle est aujourd’hui devenue certaine. Il serait plus exact de dire qu’elle l’a toujours été, autant qu’il y a une certitude en pareille matière ; mais la majorité de M. Roosevelt sera encore plus grande que ses amis ne l’avaient espéré. On sait qu’en Amérique, les élections se font à deux degrés ; ce n’est pas le président qui a été élu, ce sont ses électeurs qui l’ont été le 8 novembre ; mais c’est tout comme, le mandat étant impératif. Depuis trois ans qu’il est à la présidence, M. Roosevelt a eu le temps de se faire bien connaître, et c’est même plus qu’il n’en fallait à un homme dont les qualités et les défauts sont si vigoureusement en saillie. Ses défauts sont d’ailleurs des exagérations de ses qualités, dont la principale est l’énergie. M. Roosevelt plaît à ses compatriotes, et il est