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jusqu’à la baie de la Quarantaine, et de s’obstiner à l’attaque du bastion du Mât, on concentrerait les efforts sur la tour Malakoff et le faubourg de Karabelnaïa. Pour donner satisfaction à lord Raglan et surtout pour détruire les approvisionnemens que les Russes avaient accumulés sur le littoral de la mer d’Azof, on revenait à l’expédition de Kertch, confiée de nouveau au général d’Autemarre.

Le 21 mai, 7 000 Français[1], la division anglaise de sir G. Brown et un bataillon turc s’embarquèrent sur les cinquante-six navires des escadres alliées, commandées par l’amiral Bruat et lord Lyons.

En même temps, on donnait le change aux défenseurs de Sébastopol sur le nouvel objectif en attaquant, dans la nuit du 22 au 23 mai, les grands ouvrages de contre-approche que Tottleben avait construits en avant du bastion Central, au débouché du ravin de la Quarantaine.


Le colonel Grenier à sa femme.


« Camp du Clocheton, 25 mai.

« Nous avons eu, dans la nuit du 22 au 23, une rude affaire. On a voulu faire le pendant à notre opération du 2 mai, en attaquant les embuscades de la Quarantaine, mais les Russes étaient sur leurs gardes. Ils avaient 12 000 hommes en réserve, de sorte qu’on a pris et repris les positions plusieurs fois, et que le travail qu’on se proposait n’a pu être complètement exécuté. Nos soldats se sont conduits, comme toujours, avec une bravoure au-dessus de tout éloge ; beaucoup ont payé de leur sang ces efforts improductifs.

Le lendemain, l’attaque a été reprise et couronnée de succès ; nous sommes établis dans les ouvrages russes et, de ce côté, nous touchons à la ville.

C’est le général Paté, commandant la 3e division du corps de Salles, qui avait été chargé de l’attaque de nuit. Il avait formé deux colonnes : celle de droite, dirigée sur le cimetière par le général de brigade de La Motte-Rouge, comprenait les compagnies d’élite de la légion, deux bataillons du 28e, et un

  1. 1re brigade, général Niol : 5e bataillon de chasseurs, 19e et 20e de ligne ; 2e brigade, général Breton : 39e et 74e.