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Philippines, et, par-dessus tout, nous jouerons bien notre rôle dans cette grande œuvre qui est d’élever l’humanité.

Mais, pour faire cette œuvre, rappelez-vous toujours que nous devrons montrer à un très haut degré les qualités de courage, d’honnêteté, et de bon jugement. La résistance doit être déracinée. La première œuvre à faire, et la plus importante, est d’établir la suprématie de notre drapeau. Nous devons abattre la résistance armée avant de pouvoir accomplir rien d’autre, et il ne doit y avoir ni pourparlers, ni hésitation, dans nos rapports avec notre ennemi. Quant à ceux, dans notre pays, qui encouragent l’ennemi, nous pouvons les dédaigner et les mépriser ; mais il ne faut pas oublier que leurs paroles, pour être méprisables, n’en sont pas moins coupables de haute trahison[1].


L’homme qui prononçait ces paroles sut aussi les appliquer lorsque l’assassinat de Mac-Kinley l’eut appelé à la présidence. C’est la fermeté avec laquelle il a soutenu la politique de M. Taft qui a permis à celui-ci de n’être pas écrasé sous le poids de sa tâche, de constituer fortement l’autorité des États-Unis aux Philippines et d’y organiser un gouvernement conforme à ses principes. Aujourd’hui l’insurrection ne menace plus la domination américaine ; seules, des élections nouvelles qui amèneraient au pouvoir le parti démocrate, en réveillant chez les Philippins des espérances immédiates, seraient de nature à compromettre le résultat de tant d’efforts… à moins que, par une heureuse contradiction, l’opposition, parvenue au pouvoir, ne se hâtât d’oublier ses promesses ou d’en éluder l’accomplissement.


III

Avant même d’avoir achevé leur œuvre de conquête et de répression, les Américains s’attaquaient à une partie plus difficile encore de leur tâche ; persuadés que la pacification des esprits et le ralliement des cœurs ne pouvait être que l’effet du temps et des mesures heureuses qu’ils prendraient pour assurer aux Philippins la prospérité et la plus grande somme possible d’autonomie, ils s’appliquèrent à organiser le gouvernement civil. Nous ne saurions les suivre dans les détails de cette grande œuvre ; nous verrons seulement comment et dans quelle mesure, sur deux points essentiels, dans l’organisation du pouvoir civil et

  1. La Vie intense, traduction de Mme la princesse de Faucigny-Lucinge et M. Jean Izoulet (1 vol. in-12, Flammarion).