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L’ŒUVRE DES AMÉRICAINS
AUX
PHILIPPINES

L’expansion a été jusqu’ici la loi de la vie américaine : toujours poussés vers l’Ouest par l’afflux des nouveaux immigrans et par l’attrait des terres vierges, les hommes qui ont peuplé les États-Unis n’ont jamais cessé d’être des conquérans. Cette lutte perpétuelle, tantôt contre la nature et tantôt contre les hommes, a forgé leur tempérament national ; elle y a déposé, avec le goût passionné des aventures audacieuses et des libres initiatives, la foi dans les grandes destinées de la race et le germe des impériales ambitions. Jusqu’à ces années dernières, l’énergie conquérante des Yankees trouvait sa satisfaction dans l’immensité du continent nord-américain ; elle usait sa force d’expansion à mettre en valeur la Prairie, à pénétrer sur les Hauts-plateaux, à dompter les Peaux-Rouges, à conduire des chemins de fer par-dessus les Montagnes Rocheuses. Mais un jour vint où, ayant pris possession, d’un Océan à l’autre, des vastes étendues de leur domaine, les Américains se laissèrent entraîner à chercher fortune sur les flots du Pacifique ; c’était le moment où le prodigieux essor de l’industrie, par la concentration des capitaux et des moyens de production, faisait éprouver aux hommes des trusts le besoin de chercher des débouchés extérieurs pour le surplus de leur fabrication. D’un seul élan, l’impérialisme américain franchit le Grand Océan. Une seule bataille, en anéantissant la flotte espagnole, à Cavité, le 1er mai 1898, fit des États-Unis une puissance coloniale, leur donna un empire sur les mers jaunes, en