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injuste dans ses résultats, et grevant les citoyens peu fortunés. »

Six mois plus tard, le 29 messidor an III (17 juillet 1795), Thibaut, au nom du Comité des finances, revient sur la question, condamne encore la contribution mobilière assise sur les loyers d’habitation, et précise sur ce sujet d’une façon très nette la doctrine de la Révolution : mais c’est là un point trop important pour ne pas reproduire ses déclarations :

« Dans la contribution mobilière au contraire, tout doit être pesé, modéré et compensé… En un mot, pour s’en faire une idée juste, on peut dire que pour la régler, on doit prendre en considération ce que le contribuable paie déjà pour ses rentes, son industrie, son commerce ; les dettes et les charges qu’il supporte, la famille qu’il doit entretenir, les besoins qu’il a par état de ses revenus ou de ses salaires ; de telle sorte que, par un résultat général, les revenus des fonds, des rentes, le produit du travail et de l’industrie ne soient en quelque sorte considérés et appréciés que pour ce qui reste libre entre les mains du contribuable. Sous cet aspect, le seul sous lequel la contribution mobilière doive être envisagée, on doit convenir de la justice et de la nécessité de l’admettre, si dans l’exécution on ne rencontre pas des obstacles invincibles… » Examinant alors l’œuvre de l’Assemblée constituante, il montre que la contribution mobilière avait été établie sur « des bases arbitraires, injustes et défectueuses ; que, de ces fausses bases et de ces élémens vicieux il est résulté les plaintes d’un très grand nombre de départemens. » Enfin, après avoir conclu à la suppression définitive du système de 1791 comme étant « impossible dans son exécution, et, par sa nature, une source de contestations, de débats, de haines et de procès, » il termine en proposant les dispositions qui formèrent le décret du 7 thermidor an III (25 juillet 1795), non moins défectueux d’ailleurs que celui de 1791, puisqu’il prétendait, lui aussi, établir un impôt de quotité d’après certains signes extérieurs, notamment les cheminées !

Je pourrais multiplier ces citations, montrer en poursuivant jusqu’au 18 brumaire l’examen des discussions engagées sur les impôts aux Cinq-Cents, aux Anciens, que la même opinion sur la fausseté de la mesure tirée du loyer d’habitation ne cesse d’être professée. L’expérience avait tellement frappé ceux qui l’avaient tentée qu’ils ne l’oublièrent pas. Les hommes de la Révolution, les plus clairvoyans du moins, se rendirent même compte des