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Qui de la cave au toit, de jour comme de nuit,
Va, vient, sans rien heurter ni faire plus de bruit
Qu’un diacre en souliers plats dans une cathédrale.
« Diacre » n’est pas le mot ; et, pour tout délicat,
Son allure à la fois prudente et magistrale
Hausse l’impression jusqu’au canonicat :
Rien n’y manque, pas même un rappel de fourrure ! 1
Et, pour Dieu, n’allez point estimer déplacé
Ou par trop puéril ce détail de parure,
Grâce auquel, évoqué des limbes du passé,
Nous retrouvons au bout de la courbe lointaine
Que suit de nos pensers l’intime enchaînement,
Ce « saint homme de chat » que Jean de La Fontaine
Joliment nous a peint, dangereux et charmant.

J’observe que le chat, pour la croyance antique,
Étant mystérieux, était hiératique ;
Des peuples, gravement, l’adoraient à genoux,
Qu’il fût de chair, de bronze, ou d’argile émaillée.
En son œil froid d’icône et de bête empaillée
Que lisaient-ils, ces morts ? Vous, moi, qu’y lisons-nous ?
Grand ouvert, c’est quand même un mur à porte close,
Et « derrière lequel se passe quelque chose… »
Rien, peut-être ! Qui sait ? — Accroupi sous les cieux,
Le Grand Sphinx ne dit point à qui scrute ses yeux
Perdus à l’horizon sur les houles du sable,
Si ce qui dort au fond de son regard terni
Est de la Certitude ou de l’Inconnaissable,
Si c’est du pur Néant, ou bien de l’Infini !



Angora de boudoir ou matou de gouttière,
Le chat, sous notre ciel et dans l’Europe entière,
Est un hôte, émigré loin du climat natal,
Qui garde, inaltéré, le type oriental.
Détaillez-le plutôt : masque triangulaire ;
Effacement du nez ; largeur du maxillaire ;
Obliquité des yeux fortement écartés ;
Et voyez, poil à poil en bel ordre plantés,