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manque d’observation et de sens pratique ? L’enfant le plus vigoureux, c’est souvent assez de l’émoi d’une fête, du mouvement d’un jeu trop bruyant ou trop prolongé, pour lui donner une sorte de fièvre nerveuse qui le met à la merci de toutes les contagions : qu’on pense donc à l’effet que devaient avoir, ces trois ou quatre séances quotidiennes sur un enfant tel que celui-là, qui frémissait tout entier au battement d’une porte, et qu’un son de voix un peu rude abîmait en larmes !

Par bonheur, la première maladie de Mozart se trouva être bénigne, et de courte durée. Dès le 6 novembre, son père annonçait à Hagenauer qu’on allait recommencer les séances, « pour faire reprendre à l’affaire son ancien cours, qui était excellent. » Mais l’affaire ne voulut point « reprendre son ancien cours. » Les grandes dames viennoises daignaient bien encore s’informer de la santé du « maître-sorcier : » mais elles ne l’invitaient plus à venir chez elles. En vain le père s’obstinait à rester à Vienne, se figurant que c’était « la peur de la contagion » qui, seule, empêchait la reprise de « son affaire ; » en vain, plus tard, pour essayer de regagner une partie au moins de l’argent perdu, il traîna l’enfant convalescent jusqu’à Presbourg en Hongrie, par des chemins atroces, au plus dur de l’hiver : force lui fut de reconnaître que « l’affaire, » pour cette fois, après les plus brillans débuts s’achevait en désastre. Encore une exhibition chez la comtesse Kinsky, le 28 décembre, et toute la famille se remit tristement en route pour Salzbourg, où elle arriva dans les premiers jours de janvier 1763.


Elle rapportait de Vienne, — à défaut de ducats, — les deux costumes donnés aux enfans par l’impératrice, quelques bijoux, dont une jolie paire de boucles de souliers en or, cadeau de la comtesse Thérèse Lodron à Wolfgang, et le manuscrit d’un noème dédié au petit claveciniste salzbourgeois âgé de six ans par le célèbre Puffendorff, qui y disait ingénument sa crainte que l’excès même du génie de Mozart et le développement anormal de son intelligence ne l’exposassent à une fin précoce, destinée trop ordinaire des enfans prodiges. Quant aux deux costumes, — que Marie-Thérèse avait simplement pris dans la garde-robe de ses enfans, — Léopold Mozart (sous la dictée de sa femme, sans aucun doute) les a décrits en détail dans l’une de ses lettres à Hagenauer : « Voulez-vous savoir quelle