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trouvaient mêlés. Seul Vincenzo Monti garde encore un peu de sa gloire passée : sa Musogonia, sa Feroniade, ses hymnes en l’honneur de Napoléon, même sa traduction d’Homère, n’ont plus guère de lecteurs ; mais chacun, sans le lire, honore en lui l’un des principaux rénovateurs de la poésie italienne. Giulio Perticari, lui, a définitivement disparu : personne ne s’occupe plus de ses recherches philologiques, de ses commentaires sur Dante et Pétrarque, de tous ces écrits que les contemporains proclamaient égaux aux chefs-d’œuvre des grands humanistes de la Renaissance. Et bien moins encore on a gardé le souvenir des poésies et des travaux d’érudition de sa femme Costanza, dont un juge excellent, M. Ernesto Masi, dans une étude récente de la Nuova Antologia, nous déclare qu’on n’y rencontre absolument rien qui s’élève au-dessus d’une plate médiocrité. Francesco Cassi, le traducteur de la Pharsale, et qui fut l’un des plus ardens accusateurs de la jeune femme ; le savant marquis Antaldo Antaldi, que Costanza estimait et chérissait plus que tous les autres, et qui, après avoir d’abord essayé de la croire innocente, a lui-même fini par l’abandonner : aucune trace ne reste plus d’eux, dans la mémoire de leurs compatriotes. Mais le nom de la fille de Monti y survit toujours, à défaut de ses œuvres ; et toujours il survit entouré de mystère, l’opinion n’ayant pu se décider à choisir entre les accusations portées contre la jeune femme par presque tous les amis de son mari et l’infatigable protestation qu’on sait qu’elle-même n’a point cessé de faire de son innocence, pendant les dix-huit années de luttes et de martyre qu’elle a eu à vivre après son veuvage.

Aussi comprend-on sans peine qu’une dame italienne de cœur généreux et d’ardente imagination, Mlle Maria Romano, ait un jour éprouvé le désir de pénétrer ce mystère, et de reconstituer toute vivante devant nous la véritable figure de Costanza Monti. Dans les archives publiques et privées du royaume, à Florence et à Pesaro, à Bologne et à Vicence, partout où elle pouvait espérer de trouver quelque document relatif à la vie de son héroïne, Mlle Romano s’est rendue en personne, copiant et contrôlant, ne négligeant aucune démarche pour se renseigner. Et c’est le résultat de ses recherches qu’elle nous offre maintenant, en deux volumes qui s’éclairent et se complètent l’un par l’autre : le premier consacré à la biographie de Costanza, l’autre uniquement formé de ses lettres, en majeure partie inédites. Comment supposer qu’un aussi beau zèle n’ait pas sa récompense, et que, grâce aux travaux de Mlle Romano, le secret de la fille de Monti ne nous soit pas enfin découvert ?