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celui-ci : il est parfait dans son genre. Et quelle propreté ! Le dallage de pierre brille comme un miroir.

C’est avec étonnement que j’admire la cathédrale si majestueuse, si noble de conception, et j’ai peine à croire que l’architecte fut un des Pères de la Mission même, et que les ouvriers étaient de simples paysans coréens. En face de l’entrée, le vicariat est un autre important édifice, et un peu plus loin, sur l’autre versant de la colline, se trouvent l’orphelinat et une école primaire. Quel établissement remarquable, quelle œuvre merveilleuse où des centaines d’enfans abandonnés ont été sauvés, élevés, et finalement établis dans la vie par les religieuses, femmes héroïques venues de France ! Elles ont tout quitté de ce qui leur fut cher, — parens, famille, patrie, tout, — afin de se faire les gardiennes des êtres misérables, des créatures délaissées de cette Corée sauvage.

Que de vies humaines et que d’âmes sont perdues chaque année ! Les infanticides sont plus nombreux que nous n’oserions le croire en Extrême-Orient. Toutefois, si dans le district se trouve une mission, la mère affamée dépose le nouveau-né au seuil, et beaucoup d’autres sont ramassés dans les rues, pour être formés ensuite à un métier utile qui leur permette de gagner plus tard leur pain. Malheureusement le nombre de ces maisons est très limité, si nous considérons l’étendue du pays, et les missionnaires sont surchargés de travail.

L’œuvre apostolique en Corée est certes une des pages des plus édifiantes de l’histoire de l’église catholique, et cette page glorieuse est un peu la propriété de la France. Il n’y a pas un siècle que les premiers Pères de la mission étrangère commencèrent à évangéliser et civiliser le pays. Et dans quelles conditions ! Exposés à la persécution la plus cruelle, aux tortures les plus terribles, ils ont vécu cachés dans des caves, ou dans des forêts, comme les premiers chrétiens. Et beaucoup d’entre eux ont subi le même martyre. Les hérauts qui annonçaient la lumière ont été massacrés. Mais d’autres sont venus pour les remplacer, d’autres vocations suprêmes se sont présentées pour ranimer la propagation de la doctrine divine, et répandre, où il n’y avait que de l’ignorance et de la cruauté, les vertus chrétiennes, la charité, l’espoir et la foi.

L’évêque est parti en tournée et ne rentrera pas avant une dizaine de jours. C’est donc le grand vicaire qui me reçoit. Il me