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Ma chambre est prête, claire et gaie. La plante grimpante du balcon est encore verte, et j’ai vue sur la cour du palais voisin.

L’après-midi, je vais au Consulat d’Allemagne, en passant devant le Temple du Ciel : une pagode qui s’élève sur une colline, avec un joli toit double et un autel de marbre en façade. C’est une réplique, pauvre il est vrai, du chef-d’œuvre de Pékin, mais elle n’est pas sans grâce au point de vue décoratif.

D’une petite maison d’angle sort une vraie rumeur de Babel : c’est la répétition ânonnée, mécanique, d’une leçon, exactement la même méthode que nos propres maîtres d’école suivaient pour nous inculquer le savoir. Comme la porte de la cour est ouverte, j’entre. J’ai devant les yeux une pièce qui n’a pas plus de dix pieds carrés ; une dizaine au plus de jeunes garçons y sont rassemblés. Ils se tiennent assis par terre, vêtus de vert au lieu de blanc, une longue chevelure pendant en belles tresses. Tous ont un gros abécédaire à la main. Chaque mot est représenté par un caractère différent ; ils les répètent, et ainsi le savoir s’introduit dans leurs têtes. Chacun dit une lettre à son tour, tout haut, avec un mouvement de la partie supérieure du corps à droite et à gauche, en avant et en arrière, sans fin. Le magister est assis en face, par terre lui aussi. Ses yeux sont protégés par d’énormes lunettes vertes, et il porte sur la tête une couronne en crin de cheval. Il est la sagesse personnifiée, extérieurement du moins. Ses pensées semblent errer bien loin, et de son siège olympien il jette un regard indifférent sur l’effort de ses élèves.

Le Consulat d’Allemagne est un bâtiment neuf, mais sans rien du confortable de celui d’Angleterre. Le Consul général est aussi chargé des affaires de l’Autriche-Hongrie et aurait à s’en occuper s’il y avait jamais à s’en occuper. Il parle beaucoup du Japon, où il a été attaché à la Légation.

Du Consulat à la Mission, il n’y a que quelques mètres. Quand j’ai franchi sa porte aux barreaux de fer, ma surprise est aussi grande qu’agréable, car j’ai devant moi une vaste cathédrale avec de spacieux édifices des deux côtés, dans leurs enclos boisés. Elle est bâtie sur le modèle des vieilles cathédrales des Pays-Bas, — brique rouge et style gothique. Je n’aime pas à rencontrer ce style en Orient, mais c’est peut-être un manque de goût de ma part. Comme édifice, il n’y a rien à dire contre