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peuple ; ils lui demandaient des leçons d’architecture politique, des maximes de vie sociale chrétienne, des normes pour un ordre économique chrétien. Quelque fragmentaire qu’ait été leur œuvre, quelle qu’ait pu être, parfois, leur complaisance pour les anachronismes, ils furent les précurseurs intellectuels de ce mouvement catholique-social autrichien auquel, il y a vingt-cinq ans, le baron de Vogelsang rendit une impulsion durable ; et c’en serait assez pour nous attacher à leur œuvre et nous faire retenir leurs noms. Mais leurs physionomies, replacées dans le cadre de l’histoire générale, méritent de s’y détacher en un relief plus saillant encore. Tandis qu’en France la littérature catholique, hormis l’école Menaisienne, se donna trop souvent les apparences de servir, en politique, la cause des ultras, et tandis que l’auteur du Pape était le théoricien par excellence de l’absolutisme, l’Allemagne lisait, dans les penseurs catholiques que nous venons d’observer, la condamnation de ce système politique, et l’Allemagne constatait que la pensée catholique se dérobait à l’orbite de la Sainte-Alliance. Lorsque, plus tard, une opinion populaire aura le droit d’exister, et lorsque ce droit même la rendra victorieuse, elle ne flétrira pas dans Schlegel, dans Müller, dans Haller, les complices des bureaucraties vaincues ; et quant à Goerres, elle l’honorera comme un devancier de la victoire.


GEORGES GOYAU.