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guerre !… » Que « les ambitions impatientes » accordent seulement à M. Combes un supplément de quelques mois de crédit, et le Diable, — en l’espèce M. Millerand ou M. Leygues, — pourra bien, aussitôt après… Mais quelle guerre ! Quels ennemis ! Et quels griefs ! « Les ministres des cultes récalcitrans ; l’Eglise, le pouvoir ecclésiastique, depuis plus de trente ans, exploitant le Concordat au profit de ses intérêts avec une hardiesse croissante ; le violant audacieusement, le violant sans discontinuer ; » « nos évêques, à très peu d’exceptions près,… s’insurgeant avec arrogance contre les décisions des Chambres et l’autorité de la loi, prêchant l’insoumission à leurs fidèles dans des documens publics… encourageant les mouvemens les plus tumultueux, quand ils ne les provoquent pas… et recevant de Rome à ce propos des approbations explicites ; » Rome elle-même, Rome enfin « refusant systématiquement l’investiture canonique aux prêtres promus à l’épiscopat par le gouvernement,… s’arrogeant ainsi le droit d’écarter qui bon lui semble,… et remplaçant par le bon plaisir la légalité concordataire, » persécutant ou taquinant « ceux de nos prêtres qui sont signalés là-bas, par les meneurs de notre réaction ou par les Jésuites dispersés dans nos villes, comme coupables d’une soumission respectueuse au gouvernement et aux lois de leur pays ;… » la Rome pontificale élevant contre la visite rendue par le Président de la République au souverain de l’Italie une « injurieuse protestation ; » la Curie romaine envoyant à cette occasion, aux puissances catholiques, une « circulaire insolente ; » et, par un excès de mauvaise foi et de mauvaise volonté, décourageant aussi bien M. Combes que ses devanciers, « dans leurs efforts obligatoires pour refréner, chez les représentans du pouvoir religieux, le mépris outrecuidant du texte concordataire. »

Sans doute, à ne considérer que la forme de ces récriminations, si peu que M. le président du Conseil se soucie de « la finesse des aperçus » et de « l’élégance des formules, » c’est tout de même d’une violence un peu trop grosse pour n’être pas délibérée, préméditée et voulue. Aussi l’est-elle certainement : « parler gros » est une des règles de la rhétorique de M. Combes. Le jour où, à la tribune, il attaqua M. Ribot en termes inacceptables et inexcusables, comme un de ses propres amis lui en faisait le reproche, au sortir de la séance : « Oui, je sais, dit-il en souriant ; mais c’est une Chambre avec laquelle il faut être gros ! »