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désordre commencent à mettre un certain ordre. Le drapeau tricolore est remplacé par le drapeau rouge au sommet de l’Hôtel de Ville, et, dès neuf heures, sur les murs de Lyon les habitans peuvent lire la première affiche où le « Comité de salut public » annonce son avènement, décrète la déchéance de l’Empire et l’armement immédiat du peuple.

Déjà, il était obéi : le pillage des armes avait commencé. Tandis qu’une partie des émeutiers occupait l’Hôtel de Ville, une autre avait marché sur le fort Lamothe. Le poste n’avait pas défendu l’entrée, les magasins contenaient plusieurs milliers de chassepots. Aussitôt les vainqueurs s’étaient servis ; leurs compagnons avertis avaient couru au butin ; nombre de citoyens avaient enlevé plusieurs fusils, pour les remettre à leurs amis, ne pas les laisser aux réactionnaires, ou en trafiquer. Dès la matinée du 4 septembre, le parti révolutionnaire avait sa garde prétorienne munie des meilleures armes, en face d’une population désarmée. Cette force se déclara pour le Comité de salut public. Il en nomma aussitôt les officiers et l’état-major.

Le nouveau gouvernement avait ses soldats, il eut sa police. La police est l’exécration des révolutionnaires, tant qu’ils sont les plus faibles : dès qu’ils triomphent, elle devient leur instrument préféré et ils s’en disputent les fonctions. Les uns aiment dans cette autorité arbitraire une image du pouvoir qu’ils rêvent ; d’autres, un métier qui met à leur discrétion choses et gens ; d’autres enfin, qui ont été surveillés, poursuivis, détenus dans les jours d’ordre, veulent se venger ou détruire avec leurs dossiers la trace de leurs fautes. Il en fut ainsi à Lyon le 4 septembre. L’homme qui le premier avait envahi la Préfecture se nommait Timon. Ancien conseiller d’arrondissement, condamné politique et condamné de droit commun, il était un déclassé énergique et avide de représailles. La Préfecture prise, lui et sa bande, au nombre d’une vingtaine, se portèrent à l’Hôtel de la police, s’y établirent sans résistance et se déclarèrent Comité de sûreté générale. Presque tous avaient témoigné leur attachement à la République par leur rébellion contre l’Empire, leurs condamnations étaient leurs blessures et leurs titres : plusieurs, repris de justice ordinaires, avaient été convaincus de vols, d’escroqueries, d’attentats aux mœurs. Timon, à la fois condamné politique et condamné de droit commun, avait double droit à les commander, il fut leur chef. Le Comité de sûreté générale