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l’intermédiaire de leur syndicat. L’ « Union maritime, » dont nous parlions, il y a quinze jours, attribuerait, au contraire, la préférence pour l’embauchage aux ouvriers qui s’y feraient inscrire. Le syndicat actuel a vu naturellement une menace dans la création du syndicat futur, avec les avantages qui seraient assurés à ses affiliés, et il en est résulté chez lui une préoccupation qui a encore augmenté ses exigences.

Cependant l’arbitrage semblait devoir venir à bout de toutes ces difficultés. L’arbitre était tout désigné d’avance, c’était M. Magnan : il devait néanmoins être accepté à nouveau par les deux parties, pour qu’il ne restât plus l’ombre d’une équivoque sur leur commune résolution de s’en remettre à son autorité. La double acceptation a eu lieu. Elle a été donnée dans les termes les plus formels, les plus solennels, par les dockers et les charbonniers, et aussi par les patrons M. Magnan n’avait plus qu’à rédiger sa sentence. Il l’a fait, et dans les termes les plus sages. Le contrat de 1903, a-t-il dit, « se serait suffi à lui-même s’il avait été loyalement exécuté. » Il ne l’a pas été : de là est venue la nécessité d’en fixer le sens. « Il contient implicitement, a déclaré l’arbitre, la liberté d’embauchage, et par conséquent la faculté pour le patron d’embaucher qui bon lui semble, syndiqué ou non. » C’est un principe général, évident par lui-même, mais qui, dans les circonstances présentes, avait besoin d’être affirmé et confirmé. Pour ce qui est du contrat individuel, M. Magnan déclare qu’il est aussi de droit commun : il n’est au pouvoir de personne de l’interdire à qui voudrait en faire usage, ou de l’imposer à qui voudrait s’en abstenir. L’accord de 1903 n’a pas parlé des délégués des chantiers : par cela même, il ne les a pas interdits. M. Magnan ne fait donc aucune difficulté d’en reconnaître la légitimité : sur ce point important, il a donné raison aux ouvriers contre les patrons. Toutefois, en approuvant l’institution, il en a condamné les excès. Le délégué, a-t-il dit, doit s’en tenir au simple rôle d’informateur, a sans s’ingérer en rien, soit directement, soit indirectement, dans le fonctionnement du travail. » S’il y a des abus, il les signale, il les dénonce ; mais ce n’est pas à lui qu’il appartient de les corriger. Naturellement, les mises à l’index sont défendues. Telle a été, dans ses lignes générales, la sentence arbitrale. M. Magnan a donné satisfaction aux ouvriers sur un point, l’institution des délégués des chantiers, et aux patrons sur tous les autres. Pouvait-il en être autrement ? M. Magnan pouvait-il laisser porter atteinte à la liberté de l’embauchage, individuel ou collectif ? Pouvait-il admettre que