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Le ciel attique luit en tes yeux ingénus,
Ton sourire est couleur d’aurore, ô jeune amante ;
Je t’offrirai ce soir, pour te rendre clémente,
Des fruits au goût de miel et des chants inconnus.

Comme nous serons las, tous les deux, de la course,
Nous nous reposerons à côté de la source,
Sous les pins où le vent fait le bruit de la mer.

Sur nos doigts enlacés luira le flot rapide,
Et j’oublierai les jours où mon sort fut amer,
En buvant dans tes mains l’eau joyeuse et limpide.


ACIS ET GALATÉE


Voici qu’est revenu le mois clair où l’on aime.
Galatée aux bras blancs, Acis aux cheveux bruns,
Vous savourez, cachés aux regards importuns,
Votre ivresse infinie et votre joie extrême.

Soyez heureux en paix : c’est votre heure suprême !
Enivrez-vous encor d’amour et de parfums !
Car vous n’entendez pas soupirer les défunts,
Et vous ne pensez pas au monstre Polyphème.

Mais avec lui la mort vous guette… Lourdement
Le rocher va sur vous tomber dans un moment,
Vos beaux corps deviendront une effroyable chose,

Votre sang rougira les flots, miroir vivant,
Et les marins croiront, comme au soleil levant.
Voir trembler sur la mer des pétales de rose.