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quelques centaines de prélats ou de desservans suffiront-elles pour assurer au budget son équilibre ?


Condamnée dans son principe, coupable dans ses œuvres, malfaisante dans ses conséquences, la politique de l’unité morale porte gravement atteinte à l’unité nationale, parce qu’elle dépose au sein de la nation des fermons de discorde qui, comme toute maladie, laisseront leurs traces dans l’organisme, et parce qu’elle exaspère des passions toujours prêtes à s’entre-choquer. Elle est un prétexte à des revendications nouvelles, à des réactions dont elle prépare et excuse en quelque manière la violence et qui pourront retourner contre elle les armes mêmes qu’on avait forgées en son nom. Plus qu’ailleurs elle est dangereuse en France, parce que le lendemain y est toujours incertain, et plus que jamais elle y est coupable, à une époque où tant de rancunes et de haines se sont accumulées. Il y a quelque vingt ans, après avoir si rudement mené le combat du Kulturkampf, le prince de Bismarck s’efforçait, avec un sens politique rarement égalé, d’obtenir du Reichstag allemand le vote des « lois de paix, » qui devaient effacer les « lois de Mai, » et disait : « Il ne s’agit pas de savoir si quelque chose est agréable ou odieux à quelqu’un dans son for intérieur, mais il s’agit de rétablir la paix de l’ensemble de la nation et de l’Etat. » Quelles que soient les difficultés de l’heure présente, il y a trop de bon sens en France pour que l’œuvre de paix ne soit pas celle à laquelle l’ensemble de la nation veuille demander d’être aujourd’hui sa sauvegarde et son salut.


FRANÇOIS DE WITT-GUIZOT.