Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/680

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses limites normales la compétence de son département, poursuit en toute occasion sa propagande anti-catholique. Le 18 floréal an II, à la veille de Thermidor, dans le discours qu’il consacrait à la glorification de l’Etre suprême, Robespierre disait : « Je ne sache pas qu’un législateur se soit jamais avisé de nationaliser l’athéisme. » Aujourd’hui le dogme se précise et s’approche de sa définition : l’athéisme d’État n’est pas loin de recevoir en France ses grandes lettres de naturalisation.

Au nom de quel droit ? « Au nom de la force du nombre légalement classée par le suffrage universel, » c’est-à-dire au nom de ce que l’on est convenu d’appeler la majorité parlementaire. On sait combien est erronée cette définition, donnée par la Déclaration des Droits, que « la loi est l’expression de la volonté générale. » C’est là une fiction singulièrement décevante, et qui n’a jamais été plus mensongère que de nos jours. Un coup d’œil rapide sur les élections dernières et sur la composition de la Chambre des députés actuelle suffira pour nous éclairer à ce sujet. Sur les 10 987 500 électeurs inscrits, 5 158 300 seulement ont des représentans à la Chambre, soit 46,9 pour 100 du corps électoral, en regard desquels 53,1 pour 100 n’ont pas de mandataires. Sur les 575 députés ainsi nommés, un chiffre moyen de trois cents députés forme le bloc de la majorité gouvernementale, avec un effectif électoral de 2 626 000 voix environ, et une supériorité numérique, à l’intérieur du Parlement, de 93 700 suffrages sur les partis groupés à la Chambre dans l’opposition ministérielle. Il est aisé de constater, ainsi que l’a fait M. Jean Darcy au cours de l’intéressant article qu’il publiait dans la Revue du 15 août 1902, qu’en raison de la constitution vicieuse de notre loi électorale, la majorité parlementaire ainsi formée est dans une disproportion manifeste avec la majorité électorale vraie, puisque à chaque circonscription est affectée une capacité législative que la loi définit par l’unité, alors qu’entre la moins peuplée et la plus peuplée de ces circonscriptions, il existe un écart de 28 600 voix dans la population électorale. Cette majorité parlementaire de 93 700 suffrages (rapportée à 5 158 300 électeurs représentés) s’abaisserait encore dans l’ensemble du pays à 80 000 rapportés à 8 420 000 votans) si, abstraction faite des 2 346 500 abstentions et des 196 000 bulletins blancs (ensemble 23 pour 100 des électeurs), on mettait globalement en balance les voix obtenues par la totalité des candidats élus ou non des