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paraissent être, au même degré, des initiateurs efficaces ; il rêve de la construction d’un nouveau temple spirituel pour lequel toutes les idées religieuses, toutes les improvisations des âmes pieuses, serviraient de matériaux.

On se demande si le catholicisme et le protestantisme, à cette époque, étaient quelque chose de plus, pour Goerres, que des ébauches différentes, et toutes deux utilisables, de la religion de l’avenir. Par ses ambitieuses et vagues velléités d’architecture religieuse, Goerres ne se distinguait pas du commun des écrivains contemporains ; il s’en rapprochait, tout au contraire, et ce qui nous semble aujourd’hui paradoxal était alors assez banal. C’était l’heure où Hoelderlin songeait à une nouvelle Eglise qui ressusciterait l’hellénisme ; où Zacharias Werner élaborait une religion d’emprunt, demi-chrétienne, demi-maçonnique ; où s’envolaient à travers l’Allemagne, de la tombe prématurément ouverte de Novalis, les germes aventureux d’une palingénésie religieuse ; où des âmes se rencontraient enfin pour épier, sur la foi de Jung Stilling, le prochain avènement d’un millénaire. L’originalité, à cet instant du siècle, eût consisté, non point à dessiner de nouveaux échafaudages spirituels, mais à rentrer, tout simplement, dans ces vieilles cathédrales que l’esthétique romantique recommençait d’admirer.


V

C’est la science des religions, telle que la cultivait Goerres et telle qu’on la cultivait autour de lui, qui allait l’induire à faire un pas de plus vers ces portiques depuis longtemps oubliés. A d’autres époques, l’histoire des religions éloignera les esprits du catholicisme : on la verra s’insurger, au nom de l’évolutionnisme religieux, contre la notion d’une Eglise immuable ; ignorante de la vie des dogmes dans l’Eglise et du caractère actif, — dynamique, si nous osons ainsi dire, — que garde toujours la pensée humaine, même lorsqu’elle s’incline devant une révélation, l’histoire des dogmes aura beau jeu de souligner le contraste entre l’idée de fixité dogmatique et les enrichissemens séculaires de la conscience humaine.

Elle avait, dans la première moitié du XIXe siècle, de tout autres préoccupations : à cette époque, en Allemagne, les chercheurs qui s’occupaient avec le plus d’éclat de l’histoire des