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risque de le voir s’obscurcir au milieu des chicanes de détail. La question qui s’agite à Marseille est de savoir si la vie industrielle est possible, dans les conditions qui lui sont faites par les exigences continuelles des ouvriers, qu’encouragent la faiblesse ou la complicité du gouvernement. Nous disions, il y a quinze jours, que, si on voulait voir le socialisme en action, ce n’était pas du côté de ses conciles, même œcuméniques, qu’il fallait se tourner, mais du côté de Marseille. Quel est, en effet, le moyen d’action recommandé par l’orthodoxie socialiste ? C’est la lutte des classes. Le mal, le grand mal dont nous souffrons, et dont Marseille a été parmi nos grandes villes la principale victime, a là sa source intarissable. Nous n’assistons pas à des règlemens successifs entre le capital et le travail, en vue d’amener un accord reconnu nécessaire, mais à une lutte systématique, incessante, inlassable, où les contrats, en apparence les plus formels, ne sont que de courtes trêves conclues pour reprendre haleine, et où les ouvriers pratiquent envers les patrons l’antique aphorisme que contre l’ennemi la revendication est éternelle. Ce sont les haines de classes, soufflées très intentionnellement dans le cœur des ouvriers, qui vicient nos institutions les plus salutaires et empoisonnent nos lois les plus libérales, ces institutions et ces lois ayant été faites en vue de la paix à maintenir ou à ramener, et non pas en vue de la guerre à entretenir ou à rallumer. De là sort un esprit de destruction contre lequel les armateurs de Marseille, au moment où nous écrivons, continuent de chercher des garanties ; et nous souhaitons bien sincèrement qu’ils les trouvent.


M. Combes a prononcé à Auxerre un discours qui ne mériterait vraiment pas la peine d’être relevé si, pour la première fois, il ne s’y était publiquement prononcé en faveur de la séparation de l’Église et de l’État. Il a même fixé la date de la discussion parlementaire au commencement de l’année prochaine. Les radicaux et les socialistes se sont d’abord montrés fort satisfaits du discours d’Auxerre ; puis, en y regardant de plus près, ils ont cru s’apercevoir que M. Combes ressentait quelques velléités modérées, — relativement, bien entendu, — dans la manière dont il concevait l’opération. Cela lui passera sans doute ; mais, pour le moment, ses « amis » en sont extrêmement préoccupés, et quelques-uns commencent même à lui faire entendre un langage rude et menaçant. En un mot, ils tâchent de lui faire peur ; ils y ont réussi souvent ; ils ne désespèrent pas d’y réussir encore.