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états-majors de la marine marchande, qui ont décidé aussitôt de « la leur accorder tout entière en débarquant en masse. » Le mouvement ne s’est pas arrêté là : le syndicat des armateurs de Marseille l’a suivi. Il a dit que « la mesure était comble, » et qu’il se voyait réduit « à cesser toutes ses opérations par l’arrêt du travail de ses auxiliaires les plus indispensables. » « Puisque tous les contrats sont dénoncés, a-t-il ajouté, toutes les conventions déchirées, l’armement attendra que les ouvriers, de toutes les catégories, reviennent à la conscience du mal qu’ils causent en perpétuant le désordre, et fournissent pour l’avenir des garanties sérieuses et définitives de stabilité dans le travail, stabilité sans laquelle il n’est pas d’industrie possible. » Dans ce dernier document nous retrouvons fortement motivée la nécessité de « garanties sérieuses et définitives » déjà réclamées dans le premier. Immédiatement toutes les compagnies ont désarmé leurs navires, et le port de Marseille, ordinairement si animé, est devenu inerte et désert. Nous ne rappellerons pas ce que nous avons dit déjà des malheurs qui frappent Marseille et son port, au grand détriment de notre industrie nationale, au grand avantage de nos rivaux. L’occasion de le répéter s’est, hélas ! si souvent renouvelée, que cela est devenu un lieu commun.

Des garanties ! Voilà ce que demandent les contremaîtres, les états-majors et les armateurs, et c’est bien, en effet, de garanties qu’ils auraient besoin avant tout. Malheureusement, elles sont difficiles à trouver. Les ouvriers, à quelque spécialité qu’ils appartiennent et de quelque nom qu’ils se nomment, ne se tiennent jamais liés par leurs engagemens. Les contrats les plus formels sont pour eux lettre morte, dès qu’ils croient avoir le moindre intérêt à les déchirer. N’ont-ils pas le droit de se mettre en grève à leur convenance ou fantaisie, et ce droit ne domine-t-il pas tous les autres ? Certes, ce n’est pas notre avis ! Quand un contrat a été passé, nul n’a le droit de le violer, avant qu’il soit arrivé à son terme, et, s’il ne l’est pas d’un côté, il reste obligatoire de l’autre. Mais les ouvriers ne l’entendent pas ainsi, et notamment ceux qui devraient être tenus de la manière la plus stricte à l’observation de leurs engagemens, c’est-à-dire les inscrits maritimes. On les a vus déserter le navire, au moment même où il était sous vapeur et où il allait quitter le port. On les a vus l’abandonner en cours d’expédition. Les moindres motifs les y déterminent ; quelquefois même ils ne prennent pas la peine d’en donner. Peu leur importe même la sécurité des voyageurs : cela ne les regarde pas.

Une pareille violation d’un contrat librement consenti serait into-