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hurlaient les pires injures, lui jetant une grêle de pierres, tirant sur lui à coups de flèches.

Encore une fois, il était trop tard ! La foule, comme tombée en démence, coupant incessamment la voix désespérée du prince, se refuse à l’écouter et l’insulte outrageusement. Depuis longtemps la nuit était venue. À ce moment, on vient précipitamment annoncer au Calaphate le couronnement de Théodora et la marche sur le Palais d’une partie des émeutiers de Sainte-Sophie, qui accourent chercher Zoé pour la placer sur le trône dans l’Eglise à côté de sa sœur. Alors l’infortuné, comprenant enfin que tout est perdu, abandonné par ses fameux guerriers Værings ou russes, ne songe plus qu’à sauver ses jours. Il fait apprêter un navire de la flotte impériale pour gagner par la voie de la mer, qui lui est encore ouverte, le célèbre couvent de Stoudion dans l’angle sud-ouest de la Ville. Il veut y abdiquer, puis s’y faire moine, et compte échapper ainsi au sort qui le menace. Mais le nobilissime, plus intrépide, ne le permet point encore. « Il faut vaincre avec courage, s’écrie-t-il, ou périr glorieusement en basileus. » Cet avis ayant momentanément prévalu. tout ce qui se trouvait, par le hasard de ces terribles circonstances, enfermé dans le Palais assiégé, tout, jusqu’aux derniers valets, est armé, et le nobilissime, conservant tout son sang-froid, appelant autour de lui toute cette foule disparate, la dispose à nouveau aux points les plus menacés. Il s’apprête à résister jusqu’à la dernière extrémité avec toute son énergie. C’est vraiment l’effort suprême ! A cet instant précis, coïncidence bizarre, on signale l’arrivée par mer au Palais du fameux stratigos Katakalon Kekauménos, le glorieux défenseur de Messine, apportant lui-même au basileus la nouvelle du grand succès qu’il vient de remporter sous les murs de cette ville sur les Sarrasins de Sicile. Cette heureuse circonstance encourage quelque peu l’empereur défaillant.

La nuit se passa dans ces transes, dans ces luttes horribles. Cependant la fin de ce drame étrange approchait rapidement. L’aube du mardi 20 se leva sur ces milliers de combattans. Les émeutiers qui entourent le Palais sont à ce moment divisés en trois groupes principaux pour l’assaillir des trois seuls côtés où on pouvait l’aborder. Les uns font assaut du côté de l’Hippodrome. Les autres attaquent le forum Augustéon où se trouvaient la porte de la Chalcé et à sa suite le Triklinion ou caserne des