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reprendre aussitôt sa vie de basilissa toute-puissante, aussitôt du moins que la tempête populaire serait calmée, lui promettant qu’elle n’aurait que satisfaction de ce qui serait décidé pour elle. Elle, violemment émue, promit de son côté tout ce qu’on voulut. Rendant véritablement le bien pour le mal, elle jura de tout son cœur, semble-t-il, alliance avec son odieux fils adoptif, afin de ramener au plus vite la paix publique. Aussitôt ces rapides préliminaires conclus, on lui arracha sa robe de bure, on la revêtit en hâte de la robe de pourpre des basilissæ, et, le diadème en tête, dissimulant tant bien que mal l’absence de sa chevelure grise coupée ras, on l’exposa à la vue de la foule ameutée dans le grand Kathisma de l’Hippodrome, cette haute tribune impériale si fameuse, fortifiée comme une forteresse et qui, dominant l’immense amphithéâtre des jeux, communiquait par derrière avec les bâtimens du Palais proprement dits. Le basileus, le nobilissime et leurs rares partisans se flattaient d’arrêter court la colère de la foule en montrant aux émeutiers la fille de leurs basileis saine et sauve, redevenue libre et impératrice comme devant. Hélas ! il était trop tard. La bête populaire était lâchée et ce remède suprême n’eut pas l’effet tant désiré. Parmi les émeutiers, les uns ne reconnurent même pas la basilissa. Les autres persistèrent à vouloir châtier son cruel geôlier qui dut se retirer précipitamment pour fuir une avalanche de projectiles de toutes sortes.

À ce moment précis surgit un nouvel incident très grave. Les chefs véritables de l’émeute, appartenant presque tous à l’aristocratie, aussi universellement que violemment hostile au Calaphate, s’étaient pris à redouter que, malgré tout, l’alliance nouvelle si hâtivement conclue entre la vieille basilissa et son ancien fils adoptif, ne finît par avoir raison de la colère populaire. Ils craignaient infiniment que la masse des rebelles ne se laissât toucher par les sollicitations de Zoé et ne vînt à cesser une lutte devenue sans motif, ce qui eût fait avorter la révolution et assuré à nouveau le triomphe du Calaphate exécré. Pressés par les circonstances qui se modifiaient de minute en minute, ces hommes imaginèrent en hâte une combinaison nouvelle qui allait faire entrer en scène un acteur féminin très inattendu.

On n’a pas oublié Théodora, cette seconde fille de Constantin VIII, qui, après avoir partagé durant quelque temps avec sa sœur Zoé, mais au second rang, les honneurs impériaux, le