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voyant avec terreur que cette révolte était celle de tout un peuple, que les Værings et autres mercenaires commençaient à passer ouvertement à l’émeute, il avait de suite perdu la tête, mourant de peur, ne sachant plus que faire, ni qu’ordonner, abandonné de tous, n’osant même plus se fier à ses gardes dont les uns hésitaient déjà à lui obéir, dont les autres désertaient délibérément pour se joindre au peuple. Il pouvait être environ la douzième heure du jour. Le pauvre insensé tomba dans les bras de son oncle avec des larmes de joie, le remerciant de venir mourir à ses côtés. Ces deux hommes, qui avaient déjà la mort dans les yeux, tinrent un rapide conseil. Ils se rendirent compte, Constantin surtout, que leur unique, leur dernière chance de salut était de rappeler immédiatement Zoé pour tâcher de calmer la fureur du peuple. Durant qu’on courait chercher la vieille basilissa à Prinkipo, Constantin, demeuré beaucoup plus maître de lui, que son neveu, organisait fiévreusement la défense de l’immense agglomération de bâtimens d’espèce si diverse formant le Palais Sacré des empereurs, que la foule des émeutiers attaquait maintenant sur toutes ses faces avec une violence, une audace inouïes. Par son ordre, les archers et les frondeurs occupèrent les divers points stratégiques, offrant aux assaillans la plus énergique résistance. On tua ainsi facilement des centaines d’émeutiers, mais à chaque fois que les groupes de combattans populaires étaient repoussés à grande perte, ils se reformaient aussitôt plus nombreux, accourant au combat avec une rage nouvelle. »

Enfin, on annonça le retour de l’impériale captive. La malheureuse Zoé, raconte Psellos, avait passé depuis la veille par des émotions si diverses et si fortes que tout son courage s’en était allé. Certes elle était exaspérée contre son indigne fils adoptif, mais, comme elle se sentait toujours encore entre ses mains terribles, elle redoutait à tel point quelque chose de pire, qu’elle n’osa faire au Calaphate le moindre reproche. Bref, elle ne fut aucunement à la hauteur des circonstances, mais se prit à pleurer assez sottement sur la situation quasi désespérée où se trouvait son bourreau. Etait-ce compassion réelle ou feinte ? Psellos ne le dit pas. En tout cas la vieille princesse ne fit aucune difficulté pour se laisser montrer au peuple dont on espérait ainsi calmer la fureur. Pour l’y décider, d’ailleurs, Michel lui avait fait les sermens les plus solennels, lui jurant qu’elle allait