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qui m’environnent. O mon oncle, du haut des cieux, veille sur moi, sauve les jours de ta misérable nièce ! »

Drame inouï, autant que soudain ! Voici donc, à la suite de cette révolution de Palais, la Porphyrogénète Zoé, tout à l’heure basilissa d’un immense empire, héritière de tant de souverains, maintenant misérable nonne tonsurée dans un de ces fameux couvens des Iles qu’on aperçoit de Constantinople au loin, à l’entrée de Marmara, et où tant de princes et de princesses, tant d’illustres victimes, la grande Irène entre autres, près de deux siècles et demi auparavant, étaient déjà venues avant elle gémir sur la fragilité des choses humaines ! Au dire de Psellos, la vieille souveraine, qui semble vraiment avoir eu quelques beaux côtés de caractère, prit tout d’abord son dur exil très en patience. « Elle avait eu, nous dit-il, durant cette courte et tragique traversée, si terriblement peur d’un pire destin, qu’elle fut comme soulagée de voir qu’on n’en voulait pas à ses jours. Elle parut se résigner même à son triste sort, décidée, du moins en apparence, à ne plus vivre désormais que pour Dieu… Elle ne pouvait du reste guère faire autrement, ajoute philosophiquement le chroniqueur, car elle se trouvait bien pieds et poings liés aux mains de ce terrible Michel. Elle se mit immédiatement en prières, bénissant Dieu qui l’avait sauvée d’un péril mortel, devenue une humble religieuse, victime offerte je ne sais si ce fut à Dieu, mais certainement à la fureur de ce basileus qui avait imaginé et ordonné ce honteux guet-apens. »

Le second acte de la tragédie suivit immédiatement le premier. Le basileus, toujours uniquement préoccupé de se conserver la faveur populaire, tenta de justifier sa conduite en lui donnant une consécration publique quasi officielle. Dès les premières heures du jour, après cette nuit sinistre, le lundi 19, Michel V convoquait les sénateurs en séance solennelle et leur débitait le plus mensonger récit, affirmant que Zoé avait tenté de le faire empoisonner, que lui, la soupçonnant dès longtemps, l’avait maintes fois prise sur le fait, mais que, mû par une sorte de pudeur, il avait hésité jusqu’ici à en informer le Sénat. Les sénateurs, troupeau docile, donnèrent tout naturellement un blanc-seing à ce triste basileus, approuvant effrontément sa conduite à l’endroit de sa souveraine.

Ce fut ensuite le tour du peuple de la capitale, beaucoup plus difficile à convaincre. Pour essayer de calmer sa colère à