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les splendeurs, il n’en trouve que cette image : « Une nuée d’anges l’environne, qui jubilent, dansent, chantent, font mille rondes, comme vous en voyez la peinture sur la porte Camollia. » Même au siècle suivant, quand le goût eut changé, ce sentiment ne changea pas : les peintures archaïques cessent d’être admirées, elles n’en sont pas moins vénérées. On voit à l’Exposition un tableau commandé à Francesco Vanni, peintre du milieu du XVIe siècle, pour un autel de l’église des Carmes. La toile cachait une Madone byzantine, du style le plus barbare, mais en qui on avait confiance. Les fidèles réclamèrent leur Madone. Une ouverture fut pratiquée dans la toile de Vanni, à la taille de l’ancien tableau : et, de nos jours encore, ce morceau à demi païen de la Renaissance sert de cadre à la vieille icône.

Ainsi se produisit cette chose charmante et singulière, fraîche et un peu vieillotte, exquise en sa bizarrerie, qu’est la peinture siennoise du XVe siècle. L’école n’a plus de grands maîtres : jamais elle n’en a eu de plus aimables. L’art cesse de créer sans cesser de sentir ; il ne fait plus que se souvenir et ses réminiscences ont le prix d’expressions originales. Enfin, comme leur fidélité volontaire au passé, chose toujours si touchante, isole ces peintres au milieu d’un monde emporté vers d’autres destins, comme ils vivent hors de leur siècle, il arrive qu’en se ressemblant à eux-mêmes ils ne ressemblent à personne, et que, sans créateurs puissans, sans autre progrès que le raffinement que donne l’âge aux traditions qui vieillissent, l’école siennoise produit encore quelques maîtres exquis. Au milieu du torrent qui roule vers l’avenir, elle, est l’île délicieuse où la jeunesse sourit en robes surannées, avec des grâces d’autrefois.


VI

Parmi ces maîtres humbles et longtemps dédaignés qui commencent à sortir de l’ombre, un des plus gracieux est Stefano di Giovanni, surnommé Sassetta. Un amateur parisien, M. Paul Chalandon, a bien voulu prêter à l’Exposition deux des ravissans tableaux qu’il possède de cet artiste et qui représentent deux scènes de la vie de saint François.

Sassetta est le peintre exquis de cette légende : il l’a peinte comme eût fait l’auteur des Fioretti. Beaucoup moins grand que Giotto, il est beaucoup plus poétique. Le caractère historique du