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prix des réparations. Des Compagnies étrangères, et en particulier la Compagnie japonaise Nippon Yusen Kaisha, faisaient une concurrence sérieuse à leur jeune rivale.

La marine marchande japonaise, du reste, qui n’existait pour ainsi dire pas, il y a une trentaine d’années, puisque son effectif représentait à peine 18 000 tonneaux et ne se composait que de caboteurs, s’est développée avec une prodigieuse rapidité. Dès 1892, il y avait déjà au Japon cinquante-trois chantiers construisant des navires à l’européenne. Le gouvernement apporte tous ses soins à la formation des officiers et des marins, et une école spéciale est affectée, à Tokio, à l’instruction des mécaniciens. Des navires-écoles y sont amenés pour donner aux élèves la pratique de la navigation. On encourage par des primes les constructions navales nationales, et on donne également des primes à la navigation aux navires naviguant entre les ports du Japon et ceux de l’étranger, situés entre 110 et 150 degrés de longitude Est et au Nord de l’Equateur, ce qui correspond aux mers de Chine. Des lignes régulières fonctionnent entre le Japon et l’Europe, l’Amérique et l’Australie ; et on peut juger par ce rapide aperçu que, si les Japonais n’ont reculé devant aucun sacrifice pour se constituer une puissante flotte de guerre, ils n’ont en aucune façon négligé leur marine marchande. Nous croyons du reste les Japonais beaucoup plus aptes au métier de la mer et aux industries annexes que les Russes, et c’est l’opinion d’un savant ingénieur anglais qui n’hésitait pas à déclarer qu’il fallait ouvrir l’œil, parce qu’on arriverait bientôt à construire au Japon de grands navires à aussi bon compte qu’en Angleterre, et à plus forte raison qu’en France.

On peut en dire autant de la concurrence que la marine marchande japonaise est appelée à faire aux marines de l’Amérique et de l’Europe. Les Japonais, en matière maritime comme en beaucoup d’autres, ont pris à chacune des grandes nations européennes celles de leurs institutions qui leur ont paru les meilleures : ils en ont fait une sorte de mosaïque qu’ils ont adaptée à leur caractère et à leurs mœurs et ils en ont tiré un merveilleux parti. Bien aveugles seraient ceux qui ne reconnaîtraient point qu’ils sont d’habiles et dangereux copistes, doués d’une intelligence vive et raffinée, d’un courage et d’un patriotisme à toute épreuve.

Le Service maritime de l’Est-Chinois a lutté courageusement contre cette puissante organisation. Il installa provisoirement à