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commerciale : ces bénéfices seraient consacrés entièrement à l’entretien et à l’accroissement de la flotte.

De nombreux avis engageaient la nouvelle Société à relier le bassin de la Mer-Noire aux mers d’Extrême-Orient. Au moment où ils venaient d’éprouver, dans le « Proche-Orient, » une si cruelle déception, et de rencontrer sur leur route un obstacle si inattendu, les Russes, avec cette étonnante souplesse qui fait partie de leur force, songeaient à tourner l’obstacle, au lieu de se buter à le renverser, et concevaient l’œuvre qui les a occupés pendant ce dernier quart de siècle. Comme dans toutes les circonstances analogues, ils se proposaient aussi de faire usage de leur marine marchande et de se servir de l’instrument que le mouvement patriotique de 1877 avait mis entre leurs mains. « Notre tâche historique, vieille de mille ans, écrivait-on au comité de la flotte volontaire, consiste à tendre vers le Sud, vers lequel nous nous dirigeons constamment, bien que par une voie longue. Il faudrait faire converger tous les efforts vers le prolongement de la voie maritime de l’Asie méridionale jusqu’à la Sibérie orientale, jusqu’à l’Amour. » Comme la Compagnie de navigation, la Flotte volontaire suivit la voie que lui traçaient les aspirations politiques du pays. Elle résolut de faire flotter le pavillon russe sur l’océan Pacifique, et c’est là qu’elle chercha la solution du problème de son existence en temps de paix. Le ministère de l’Intérieur lui confia le transport des déportés dans l’île de Sakhaline, et la Marine celui des fournitures pour le port de Vladivostok. Pour trouver le fret nécessaire à des voyages réguliers entre Odessa et Vladivostok, en passant par les ports intermédiaires, on s’adressa au commerce de Moscou. Les marchandises russes à destination de Chine étaient jusqu’alors exclusivement transportées sous pavillon étranger. La Société lit en sorte de s’en réserver une partie et s’efforça principalement de participer au commerce du thé entre la Russie et l’Extrême-Orient, et à celui du blé entre la Russie et l’Europe occidentale. En 1880, elle ouvrit un service de passagers entre Odessa et Vladivostok ; le ministère de l’Intérieur traita de nouveau avec elle pour le transport des colons à destination des provinces du Pacifique et de l’Oussouri, qu’on se préoccupait alors de peupler.

Mais ces diverses ressources ne permettaient pas à la Flotte volontaire de vivre, Elle avait eu à supporter des frais