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amiral, grand-duc Constantin Nicolaievitch, ils changèrent leurs noms allemands contre trois noms russes, arborèrent le pavillon de Saint-André, et furent inscrits sur les contrôles de la flotte de guerre.

Deux mois à peine après l’institution du comité, et six semaines après l’ouverture officielle de la souscription, la Flotte volontaire était constituée.

Nous connaissons peu de pays dont l’histoire maritime compte un fait analogue. Les Russes ont donné par-là à tous les peuples un grand et rare exemple d’intelligence, d’initiative et de patriotisme. Nous aussi, nous avons été à la veille d’une guerre inégale avec une puissance maritime beaucoup plus forte que nous ; nous aussi, nous avons eu conscience de notre infériorité, car l’entente cordiale est de date récente. Il est triste de constater que cette expérience n’a pas provoqué dans notre population une bien grande émotion, qu’on n’a pas vu chez nous, au moment de Fachoda ou après cette crise, se former de comité, ni s’ouvrir de souscriptions pour la constitution d’une « flotte patriotique française. » Aujourd’hui encore, notre marine marchande croupit dans la médiocrité, où la maintiennent l’indifférence de notre population et l’incurie impardonnable des pouvoirs publics.

Les travaux du Congrès de Berlin touchaient à leur fin, lorsque les trois premiers croiseurs furent rendus à Cronstadt. Le péril était écarté, mais au prix de durs sacrifices ; les conditions politiques restaient instables. Le comité, s’étant posé la question de savoir s’il fallait continuer ou s’arrêter, opta pour la marche en avant. On acheta un nouveau navire ; les trois précédons furent retirés des contrôles de la flotte de guerre, le 1er août 1878, après la clôture du Congrès de Berlin. Le comité en reprit la possession et l’exploitation, et procéda d’abord au transport des troupes russes des côtes de Turquie à celles de Russie. Puis commença, pour la flotte volontaire, la véritable navigation commerciale, et se posa pour elle l’importante question de savoir quelle forme elle adopterait. On écarta la forme de « Société anonyme. » comme cadrant mal avec le but patriotique de l’entreprise, et l’on s’arrêta à la solution suivante : la flotte volontaire serait une société privée, mais n’ayant pas de caractère commercial, dans ce sens que ses membres ne retireraient aucun profit des bénéfices réalisés en temps de paix au moyen de la navigation