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Trois Compagnies de navigation se détachent sur l’ensemble de la marine marchande russe, par l’importance de leur tonnage, la nature de leurs opérations et l’intérêt de leur mission. Ce sont : la Compagnie de navigation à vapeur et de commerce ; la Flotte volontaire, et le Service maritime de l’Est-Chinois. L’historique et la situation actuelle de ces Compagnies nous ont semblé présenter des particularités dignes d’être signalées. La fondation de chacune d’elles correspond à une étape dans le développement maritime de la Russie, et ce développement est lui-même en étroite connexion avec la marche de la politique russe depuis un demi-siècle.

La Compagnie de navigation à vapeur et de commerce est la plus ancienne, et de beaucoup la plus importante des compagnies de navigation de l’empire. Elle a été créée en 1857, sur l’initiative de l’amiral Arcas et de M. Novoselsky, avec l’aide du gouvernement, qui se chargea du placement d’une partie du capital social, affecta aux services de la nouvelle Compagnie des terrains dans les ports, et lui alloua, pour faciliter l’établissement de services réguliers à date fixe, des primes dont le montant annuel atteignit au début 1 900 000 roubles. La Compagnie inaugura ses opérations, le 2 mai 1857, avec 5 navires ; elle organisa des services réguliers entre les divers ports russes de la Mer-Noire et les ports étrangers les plus rapprochés, et mit la Russie en communication directe avec les escales du Levant et de l’Egypte, grâce à deux services circulaires sur l’Anatolie et sur Alexandrie. Dans l’espace d’une année, la flotte de la Compagnie s’accrut de 13 nouveaux bateaux, pour atteindre, à la fin de 1858, le chiffre de 35 et, en 1859, celui de 41 navires.

Nous ne croyons pas nous tromper en découvrant, dans ce puissant concours du gouvernement à la fondation de cette Compagnie, et dans le rapide accroissement de sa flotte, une arrière-pensée politique. Le traité de Paris, qui date de 1856, limitait, comme on sait, les forces navales de la Russie dans la Mer-Noire ; la guerre de Crimée, qui avait amené ce traité, et les conditions de paix humiliantes que la Russie avait dû subir, avaient porté un coup très sensible à son influence et à son prestige en Orient. Dans ces circonstances, il y avait un intérêt de premier ordre à suppléer par une flotte marchande à la flotte de guerre, dont le traité limitait les forces, et à promener le pavillon russe dans les Échelles du Levant pour attester la