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mesure de lire et mis en demeure d’écouter. Il se trouva que l’État, en faisant du bruit, faisait la besogne de l’Eglise ; que, sans le vouloir, il provoquait l’éclat de voix de Grégoire XVI ; que, sans le vouloir, il le répercutait ; c’est l’Etat lui-même qui déchirait ainsi le tissu d’équivoques derrière lequel se retranchaient les évêques de la monarchie, jaloux d’être d’accord avec le roi et de paraître d’accord avec Rome ; c’est lui qui, mettant à nu la situation, secouait la Pologne prussienne et la Silésie, et plaçait les évêques, partout, face à face avec leur devoir, sous la lumière crue d’un grand exemple.

Les ordinaires de Paderborn et de Münster, dès le début de 1838, retirèrent, d’une façon discrète mais formelle, l’engagement qu’ils avaient pris, vis-à-vis de l’État, d’appliquer dans leur diocèse la convention de 1834. L’archevêque de Posen, Martin de Dunin, avait commencé de s’inquiéter, durant les premières querelles entre Droste et le ministère ; il avait demandé au roi la permission de modifier la coutume suivie dans son diocèse, d’après laquelle les curés bénissaient les mariages mixtes sans réclamer des fiancés aucune promesse. Sur un refus du roi, il écrivit à son clergé, le 28 janvier 1838 :


Je ne saurais prendre sur moi de souiller la dignité et le caractère d’un évêque, de charger ma conscience du poids d’une trahison, de briser l’union avec le chef de l’Église, et d’abandonner comme un traître les pures doctrines à la conservation desquelles le Saint-Esprit m’a chargé de veiller, et cela au moment même où j’entends retentir à mes oreilles la voix de Grégoire XVI… Je tenterai encore une fois de m’approcher du trône, car je ne veux rien entreprendre en cachette ; mais je déclarerai avec fermeté que l’autorité d’un évêque vient de l’Esprit Saint… Ma personne et ma vie sont entre les mains du Roi. On peut m’emprisonner, m’ôter la vie, mais ma foi est divine, et, avec le secours de Dieu, aucune puissance ne pourra m’en détacher. Je veux vivre et mourir dans le sein de l’Église catholique romaine, je ne veux pas fonder un schisme et me parjurer envers l’Église et la religion.


Une lettre pastorale, le 17 février 1838, confirmait cette circulaire en menaçant de suspension les prêtres qui béniraient des unions mixtes sans exiger aucun engagement. Enfin, le 10 mars, il écrivait au roi lui-même :


J’envisage mon sort futur avec la résignation d’un prêtre, qui, relativement à l’exécution de son devoir sacré, est d’accord avec sa propre conscience. Que Votre Majesté dispose de ma tête de vieillard ! La tranquillité de ma conscience et la paix de mon âme sont sauvées.