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conclu entre eux une sorte de pacte, mais seulement pour régler quelques cas douteux. Ils se gardaient, naturellement, d’en expédier le texte. Rome devait ignorer ce qui se passait sur le Rhin, comme on devait ignorer sur le Rhin ce que commandait Rome ; l’épiscopat formait barrière entre le Pape et les fidèles rhénans, entre les fidèles rhénans et le Pape ; et la sécurité de ces prélats, auxquels désormais Berlin faisait bonne mine, semblait endormir en eux la notion du devoir.

Avant d’être une souffrance, l’inquiétude du devoir est une vertu. Trop souvent exilée de la vie des hommes, cette vertu survient aux lits d’agonie, sur lesquels ceux qui s’étaient fait une conscience la sentent se défaire, et, dans un suprême vis-à-vis avec eux-mêmes, commencent de se voir à nu, comme Dieu les verra. A la fin de 1836, l’évêque de Trêves regarda s’approcher la mort : l’échafaudage de réticences derrière lequel il avait abrité sa faiblesse de caractère s’effondra soudainement ; il écrivit au Pape pour confesser sa conduite, rétracter ses erreurs, et demander pardon. Le Vatican comprit la situation, toute nette, toute crue ; et Bunsen, interpellé derechef au sujet de la convention de 1834, répondit par une note adroitement embrouillée. Les conversations entre Bunsen et Lambruschini menaçaient de se poursuivre longuement : semblable à un duelliste qui se dérobe au lieu de viser et s’évade au lieu de foncer, Bunsen excellait à se mettre sur un autre terrain que son interlocuteur, et déroutait les questions au lieu d’y satisfaire. Le Vatican ne pouvait alléguer, à l’appui de ses réclamations, qu’une voix repentante d’outre-tombe… Les morts ont toujours tort, et Bunsen comptait sur le concours des évêques vivans.


VI

Mais à la voix du mort un vivant bientôt fit écho. Le siège de Cologne était devenu vacant ; et le chapitre, docilement, sur un signe de Berlin, avait fait choix d’un vieux prêtre, coadjuteur de l’évêque de Münster, Clément-Auguste de Droste-Vischering. On avait souvenir, à Berlin, d’une certaine difficulté d’humeur qu’il avait témoignée, jadis, comme administrateur du diocèse de Münster, à l’égard de la domination napoléonienne ; il avait refusé de reconnaître comme légitimes les chanoines institués par l’Empereur ; et ce précédent dénotait peu de souplesse à