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prêtres à réclamer des fiancés, avant la célébration du mariage, la promesse que tous les enfans seraient catholiques, et, si cette promesse était refusée, il permettait au prêtre de donner aux mariés non point la bénédiction, mais une assistance passive, sans nulles prières, sans un acte liturgique quelconque.

Ce bref déplut à Berlin ; on y redoutait les effets que cette assistance passive produirait sur l’opinion : le prêtre, par un silence systématiquement inactif, par une bouderie officiellement présente, semblerait condamner le mariage dont il prendrait acte ; il paraîtrait souligner par son attitude le reproche même de Dieu ; ministre du Dieu justicier, il aurait l’air, en écoutant le oui sur les lèvres des conjoints, d’être le témoin d’un péché. C’était là, pour la politique religieuse de la Prusse, une irréparable gêne : le cabinet de Berlin mit tout en œuvre pour fléchir le Saint-Siège.

Bunsen et le cardinal Lambruschini étaient les deux interlocuteurs. La causerie fut piquante, les mots d’assistance active et passive s’échangeaient et se croisaient : c’était le plénipotentiaire protestant qui réclamait que le prêtre catholique fût « actif, » et c’était le cardinal qui s’y opposait. Grégoire XVI tint bon ; il n’ajouta rien aux concessions et ne retrancha rien des exigences de Pie VIII. Au bout de deux ans, l’on cessa de dialoguer, faute d’argumens nouveaux ; et l’on sonda les évêques, pour voir s’ils ne seraient pas d’humeur à passer outre au bref papal. Il y avait dans les bureaux, à Berlin, un conseiller fort expert, catholique d’origine, Schmedding ; il prit à cœur cette besogne, qui lui procura plus de notoriété qu’elle ne lui fit d’honneur. Les évêques répondirent avec ambiguïté : ils firent espérer au gouvernement que l’assistance passive pourrait peu à peu se transformer en assistance active ; ils eussent voulu que Rome s’effaçât, que Berlin s’effaçât, confians que le temps arrangerait tout.

Mais s’en remettre au temps, c’était donner, aux dépens de l’Eglise, pleine liberté à l’État. Par un nouveau rescrit de 1832, l’État stipulait que l’entente par laquelle les parens décideraient d’élever leurs enfans dans une confession autre que celle du père, ne serait valable qu’avec l’autorisation du président supérieur de la province. On voyait, chaque jour, sur le Rhin, l’effet de cet ukase. Un père protestant, profitant de la licence que lui laissait encore l’édit de 1825, accordait-il à sa femme que le